X

Heidegger et l’autonomie du négatif

Heidegger et l’autonomie du négatif est le texte que De Feo a publié dans « Aquinas » en 1979 et qu’il a repris, modifié, dans le volume L’Autonomia del negativo (1992) sous le titre Marx, Heidegger e l’autonomia del negativo. On peut peut-être le considérer comme le troisième moment d’une confrontation avec Heidegger qui avait déjà commencé à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Dans une conjoncture historico-intellectuelle dominée par les courants existentialistes et phénoménologiques, De Feo, alors âgé de vingt ans, traverse l’œuvre de Heidegger de l’intérieur, comme peu d’intellectuels l’ont fait à cette époque. Au début des années 1970, la perspective change : la traversée interne, déconstructive, de l’œuvre de Heidegger, est suivie d’une lecture en termes d’historicisme politique, qui montre toutes les potentialités et les limites de la révolution conservatrice dans laquelle s’inscrit la pensée de Heidegger. Cette troisième phase, à la fin des années soixante-dix, dont Heidegger et l’autonomie du négatif témoignent, met de côté toute lecture qui voudrait réintroduire « les schémas interprétatifs usés des idéologies bourgeoises tardives et du catastrophisme », écrit De Feo. Non seulement Heidegger devient ici le penseur de la subsomption réelle, mais aussi l’auteur qui permet de libérer définitivement Marx de Hegel et de l’hégélianisme. Et cela à travers une discussion radicale sur le thème du négatif. De la gauche hégélienne à Heidegger et à l’école de Francfort, la pensée négative a permis de se libérer des résidus métaphysiques et de penser les transformations sociales et économiques en termes historiques. Cependant, ce faisant, la trajectoire de la pensée négative a également fixé ou renversé la compréhension de ces phénomènes dans une idéologie de la domination totalitaire et technologique du capital. Penser en profondeur la question de la négativité, le poids le plus lourd que la pensée du XIXe siècle nous a légué, est la tâche que ces pages nous incitent à réfléchir. Ou, peut-être, est-ce la tâche à laquelle toute la pensée contemporaine, d’une manière ou d’une autre, cherche depuis longtemps à échapper, en vain ?

Archivio Nicola Massimo de Feo

I

Dans la crise actuelle, une nouvelle réflexion sur Heidegger est possible et nécessaire, qui, sans reproposer les schémas interprétatifs usés des idéologies bourgeoises tardives du catastrophisme et de la réification, en explicite toute la capacité d’abstraction déterminée par rapport au lien antagoniste entre crise, restructuration et le mouvement marxien de destruction ouvrière de l’état actuel des choses. Nous passons de la reproposition heideggerienne du Seinsfrage, dans les années 1960, comme exigence de refondation des processus de rationalisation technico-scientifique, d’automatisation et [1]de massification, que la radicalité de la crise actuelle n’arrive plus à traduire ni en de nouvelles idéologies de légitimité, ni en de nouveaux modèles de philosophie de la culture, pour fixer les caractères et les significations du négative et de la pensée négative, à travers et au-delà de l’heideggerien « dépassement de la métaphysique », comme « accomplissement » de « l’essence de la technique moderne » et de la dissolution de la pensée planifiante et de la rationalité calculatrice. Telle est la forme concrète, même au niveau de l’abstraction de l’« analytique existentielle », qui refuse désormais de se définir comme une « ontologie fondamentale » [2–, dans laquelle se manifeste la crise du capitalisme organisé et du plan de l’État. Non seulement pour retrouver un terrain fructueux pour l’analyse des formes spécifiques de la crise, au niveau des formations logico-théoriques et idéologiques de la « pensée calculatoire » et de la « rationalité planificatrice » de la Kulturbourgeoise-réformiste guglielmienne-weimarienne (du Weber à Scheler à Mannheim) – mais aussi pour comprendre, à travers la critique de l’idéologie et de la métaphysique dite de la « pensée négative », de Kierkegaard à Nietzsche, Freud, Dostoevski, Kafka, Heidegger, etc., si et jusqu’à quelle mesure l’émergence du négatif – comme crise, effondrement, maladie, décadence, folie, désespoir, exclusion, etc. – n’opère plus comme un domaine de compensation-restructuration-rationalisation des contradictions et des conflits existants, en parallèle, même si avec un signe idéologique opposé, à la fonction séculaire du « stimulus » que le mouvement ouvrier professionnel, syndical et social-démocrate a exercé sur le développement économique du capitalisme moderne[3]. C’est le problème posé avec une extrême clarté par Marx dans les Grundrisses de la transformation du rapport du conflit – le système de pluralité et de diversification de l’échange – à un rapport d’antagonisme – la lutte des classes dans la production – ou, comme le dit Marx avec les catégories hégéliennes parlant de l’argent et de sa duplicité de valeur d’échange : « … – cette double et différente existence doit passer à différence, et la différence à antithèse et contradiction »[4] dont l’unité violente est la crise ; le problème, c’est-à-dire, du comment cette unité violente de la crise, que le développement économique exprime dans l’identification antagoniste de « valorisation » et de « dévalorisation » du capital, dans la réduction du « travail nécessaire » et dans la violente « réappropriation de masse » ouvrière, s’oppose aux nouvelles formes de domination capitaliste de plus-value relative et du mécanisme des contre-tendances[5]. Expliquant la crise comme « unité violente » des contradictions du développement, Marx a indiqué un chemin pour une compréhension adéquate de l’émergence du négative et pour une critique des idéologies de la « pensée négative », qu’il est nécessaire de parcourir à partir de certaines considérations sur la crise actuelle. La propriété de la crise du capitalisme planifié s’exprime dans la capacité de planification, de rationalisation et de calculabilité de la force destructrice que le capital exerce pour se reproduire à des niveaux croissants de « rationalisation scientifique et technique », d’« automatisation » et de « massification », dont Heidegger dit en termes marxiens, l’homme est devenu le produit de son propre produit[6]. Fût-ce dans la forme idéologique de la réification de la rationalisation, Heidegger saisit le lien marxien de développement et crise, comme identité non conjoncturel, mais constitutive et progressive du développement. En elle, le négative et la pensée négative ont perdu chaque fonction d’anticipation utopique possible, au sens de la rationalisation de Mannheim, des processus de restructuration-innovation et réadaptation de la rationalité capitaliste. Aux mutations et progessives exigences de recomposition du travail vivant, à l’alternance cyclique d’expansion et dépression, de croissance et crise, se substitue un mécanisme d’identification de développement et de crise en tant que gouvernement planifié de la destruction de l’expansion des forces productives, du nouveau despotisme militaro-nucléaire, de la fragmentation et de l’atomisation et de la massification du travail vivant ; aux luttes ouvrières pour le développement et le travail, la classe ouvrière massifiée oppose, ou substitue, la lutte communiste pour les « besoins radicaux » (Heller), et contre la légitimation social-démocrate de la loi de la valeur et. le fascisme stalinien du plan, le nouveau prolétariat social pratique la violence de masse organisée contre l’état pour la réappropriation de masse[7].

Tant que le développement du plan du capital et du plan de l’État n’aura pas encore été identifié à la crise, en préservant, dans un temps court ou long, la forme classique du cycle comme extension et dépression, le négatif a fonctionné comme un moment nécessaire mais subordonné à l’hégélienne Aufhebung du devenir, la rupture révolutionnaire en tant que variable dépendante de la téléologie historico-évolutive et sociale-démocrate du développement. La préface de la marxienne Pour la critique de l’économie politique de 1959, présentant la révolution sociale et le changement, comme processus de réadaptation des rapports de production aux forces productives, est devenu le document le plus significatif de l’idéologie du travail planifié et du développement qui a inspiré et dirige encore aujourd’hui la fausse alternative entre social-démocratie, fascisme et stalinisme du plan du capital. Se développant dans ce domaine depuis la « grande dépression » des années soixante-dix du XIXe siècle, en arrivant à la crise des années 30, la pensée négative de la gauche hégélienne, avec Nietzsche, Freud et Weber, jusqu’à Heidegger, Bloch, Sartre et les théoriciens de Francfort, étendant la critique dé-dogmatisatrice de l’idéologie et de la métaphysique chrétienne-bourgeoise du plan éthico-individuel à celui historique, social et économique, a rendu passible cette compréhension abstraite et impersonnelle des forces productives et des rapports de production de la science, du progrès technique, du travail et de l’État –, qui a accéléré les processus de rationalisation, d’automatisation et de massification du développement. L’alternance cyclique de développement et de crise, d’expansion et de dépression, réorganise de manière mobile, à travers l’institutionnalisation sociale-démocrate du conflit pour le travail et le développement, la négativité des contradictions subjectives et objectives, des tensions et des luttes, pour la réorganisation et la reproduction de la domination et de l’exploitation de la force sociale productive du‘« General intellect »[10], en tant que progrès technique, innovation et planification. En renversant et en détruisant le système théologico-métaphysique de l’Aufhebung hégélien, la « pensée négative », de Kierkegaard-Schopenhauer à Marx-Lénine, dans la pluralité-diversité-contradictorialité de la « critique critique » [11], qui inclut les variants historico-sociologiques, néo-positivistes, néo-katiens et phénoménologico-existentielles de la. Kultur guglielmienne-weimarienne et l’alternance des tendances néo-kantiennes et néo-hégéliennes du matérialisme historico-dialectique de la seconde et troisième internationale, réalise la méthode onto-logique comme un lien de « être-néant-devenir ».

II

Aujourd’hui, cependant, cet équilibre des compensations des contradictions subjectives et objectives du développement, fondée sur la subsomption du négatif et sur l’institutionnalisation du conflit, se brise petit à petit. La progressivité de l’identité violente de développement et crise élargit la spirale de la destruction capitaliste et la recomposition-socialisation de la demande prolétarienne de communisme, qui, si d’une part, reproduit le potentiel de l’abstraction impersonnelle de l’« intellect général » dans la subsomption capitaliste du travail social abstrait et de la puissance abstraite de la science et du progrès technique, dans le même temps, exaspère l’émergence antagoniste du prolétariat social exproprié, qui dans la négativité, abstraction et exclusion de son existence immédiate, devient le moment et le mouvement même qui renverse subjectivement et objectivement l’état actuel des choses. L’extrême abstraction du travail expropriée par la crise et le développement et recomposée comme antagonisme de la négativité absolue de la lutte prolétarienne, marque l’émergence de la socialisation du négatif qui unifie en lui-même, en le détruisant, l’identité du développement et de la crise, dans le mouvement de l’opposition absolue et de la réappropriation de sa propre réalité divisée. Marx souligne ce mouvement d’émergence de l’autonomie du négatif, qui devient la positivité absolue de la réappropriation de la richesse sociale du communisme comme mouvement subjectif et objectif de la destruction de l’état actuel des choses, quand, dans le Grundrisse, il décrit le mouvement concret du travail abstrait :

« La séparation de la propriété du travail se présente comme une loi nécessaire de cet échange entre capital et travail. Le travail considéré comme le non-capital en tant que tel est 1) travail non-objectivé, négativement conçu (mais toujours objectivé ; le non-objectif lui-même sous forme objective). En tant que tel, il est non-matière première, non-outil de travail, non-produit brut : le travail séparé de tous les moyens et objets de travail, de sa totalité objectivité. C’est le travail vivant existant comme abstraction de ces moments de sa réalité effective (et également comme non-valeur), cette complète spoliation, pure existence subjective, dépourvue de toute objectivité, du travail. C’est le travail comme misère absolue : la misère non comme privation, mais comme complète exclusion de la richesse objective. Ou encore, en tant qu’il est le non-valeur existant, et donc une valeur d’usage purement objective, qui existe sans médiation, cette objectivité ne peut être qu’une objectivité non séparée de la personne, seulement une objectivité coïncidant avec son existence corporelle immédiate. Puisque l’objectivité est purement immédiate, elle est également immédiatement non-objectivité. En d’autres termes : une objectivité qui ne va pas au-delà de l’existence immédiate de l’individu lui-même ; 2) c’est un travail non-objectivé, non-valeur, conçu positivement, ou négativité se référant à elle-même ; en tant que tel, il est l’existence non-objectivée, donc non-objective, c’est-à-dire subjective du travail lui-même. C’est le travail non pas comme objet, mais comme activité, non pas comme valeur en lui-même, mais comme source vivante de valeur. Face au capital, dans lequel la richesse générale existe objectivement, comme réalité, il est la richesse générale mais comme sa possibilité générale, qui se confirme dans l’activité en tant que telle. Il n’est donc pas du tout contradictoire d’affirmer que le travail, d’un côté, est la misère absolue comme objet, et de l’autre, est la possibilité générale de la richesse comme sujet et comme activité ; ou plutôt, les deux aspects de cette thèse tout à fait contradictoire se conditionnent mutuellement et découlent de la nature du travail, puisque celui-ci, en tant qu’antithèse, en tant qu’existence antithétique du capital, est présupposé par le capital et, d’autre part, présuppose le capital. [12]

Dans la crise, le négatif cesse d’opérer comme une variable dépendante, et explose dans et en tant que violence destructrice du capital comme non-capital et non-travail, comme subjectivité abstraite devenue objective dans la composition déterminée du prolétariat social, qui totalise l’émergence de la réappropriation de la richesse sociale absolue, en tant que refus du travail et de la destruction de l’État. Si la lutte du prolétariat social contre le travail salarié est le seul moyen de détruire l’exploitation du travail social, la destruction des asiles, des prisons et de la violence armée du plan du capital et du plan de l’État, est le premier moment de l’abolition des rapports de domination, de la maladie et de l’exclusion, que Nietzsche, Freud, Dostoevsky, Marx, Kafka ont découvert comme l’articulation individuelle concrète et historico-sociale de la dialectique négativité du développement, que l’Aufhebung hegelien avait déterminé comme médiation abstraite du processus historico-social. L’autonomie du négatif fait exploser le potentiel subversif des comportements individuels et sociaux qui, dans la crise, ne trouvent plus de lien et de fonction dans la subsomption des rôles organisés de l’exploitation, de la domination, de la répression, de l’exclusion, de la marginalisation du travail vivant, mais qui, au contraire, dans la perte de la légitimité de l’État, du plan et du développement, trouve dans son articulation institutionnelle de l’usine, de l’école, des prisons, des asiles, de l’église, etc., le canal et le réseau organisé de la lutte de libération et de réappropriation. Nous estimons qu’il est important d’insister sur ce moment de la potentialité révolutionnaire contenu et mystifié par et dans la pensée négative, qu’il est possible de libérer lorsqu’elle sera libérée de la coquille idéologique de la fonctionnalité jusqu’au développement, à la restructuration et à l’organisation des éléments utopiques du plan de capital et du plan de l’État. Et ce n’est pas la conséquence d’une intervention subjective ou d’un choix individuel, ou du moins non seulement, mais aussi, fondamentalement, par un processus réel qui, en identifiant la crise et le développement, tout en augmentant le pouvoir déterminant du négatif dans et pour le développement, le rend autonome et le contraint à une recomposition-renversement dans la positivité de la question du communisme. Qu’au-delà des difficultés idéologiques du marxisme, psychanalyse, existentialisme, néo-positivisme, phénoménologie, christianisme, etc., ils permettent de récupérer immédiatement, dans la lutte prolétarienne de réappropriation et de destruction de l’État-capital, la continuité, dans le rapport social de production, du lien d’exploitation-domination-représsion-maladie-exclusion-désespoir-mort-angoisse, non pour mieux reconstruire les usines, les églises, les asiles, les prisons, la patrie, la famille, etc., mais pour les détruire et libérer les “besoins radicaux”. Ce processus passe par la réappropriation critique du négatif et la destruction de l’idéologie irrationnelle et bourgeoise tardive qui a revêtu, caché, déformé et repoussé, de Kierkegaard à Heidegger, sa positivité radicale et son autonomie. Et cela devient possible à partir de maintenant, si en renonçant à la prétention de distinguer et contreposer dogmatiquement système (contenu) et méthode (forme) de la pensée négative, à partir de Heidegger, qui de cette tradition nous semble être l’interprète et l’héritier théoriquement le plus adéquat et systématique, nous parcourrons heideggerement la “mémoire”, libérant le lien intérieur de vérité-non vérité, d’occultation-illumination, de destruction-création, qui spécifie aujourd’hui un niveau déterminé de réappropriation théorique de la contradiction marxienne du travail vivant entre “misère absolue” et “possibilité générale de la richesse en tant que sujet et en tant qu’activité”. 

III

L’occasion nous est offerte par les écrits heideggeriens rassemblés dans le volume zur Sache – des Denkens, publié en 1969, et qui semble être le dernier mot de Heidegger sur le Kehre et sur la complexité et divers “égarements” de Sein und zeit (1927) à zeit und Sein (1962).

Dans les années 1920, lorsque le mouvement Rationalisierung bouleverse radicalement non seulement la composition technique et politique de l’ouvrier qualifié, mais aussi les caractères et les confiances de son ancien cadre idéologique et social-académique de la Kultur gugliemienne, initiant un processus cyclique d’interdépendance progressive entre la massification du travail social total et la déqualification-prolétarisation de l’intellectuel en tant que porteur traditionnel privilégié du frei Gesit, comme figure prédominante de toute une phase “classique” de l’usage capitaliste de la science et du progrès technique – lorsque, en 1927, les enthousiasmes bourgeois et réformistes pour la “stabilisation” conquise ont exprimé non d’une manière adéquate la nouvelle phase du capitalisme organisé dominée par la centralité du phénomène cyclique et du débat exacerbé sur la politique économique anticyclique de l’“État-providence”, sur la nature de l’intervention planificatrice de l’État, sur la démocratisation, la socialisation, le pacte social et les réformes – la Seinsfrage heidegerienne reproposant le problème du sens de l’être dans l’analyse existentielle du temps et de ses modalités constitutives de l’être-là, en tant qu’ouverture extatique des possibilités d’être de la finitude, de la mort et de l’angoisse anticipatrice, exprime déjà le premier niveau d’exigence d’une réappropriation théorique du fini, à partir de la négativité de la réification universelle et irréversible – la “chute” dans l’ » impersonnalité » de « l’inauthentique » et dans la dispersion banalisante du « quotidien », du « soin » insensée et sans but – qui dans la compréhension anticipatrice de « l’etre-pour-la-mort » retrouve la médiation libératrice qui libère l’historicité du temps et des possibilités de l’idéologie de l’Aufhebung hégélien. La réappropriation individuelle de la nullité propre de l’être, comme un mouvement du Jemeinigkeit qui s’identifie à la réappropriation de sa propre mort et produit la destruction de son être comme condition pour libérer les possibilités d’être du temps, de l’histoire et du monde – la décision libératrice de l’être pour la mort – et le mouvement dans lequel le négatif – le « non » de la « différence ontologique », qui s’illumine et se manifeste comme identité du devenir de « l’événement » (Ereignis), dans la mesure que cela détruit l’histoire onto-logique de l’être, en dévoilant les possibilités à partir de la radicale finitude (qui est la complétude et la surabondance des possibilités de l’être) – la négativité, à travers le saut de la réappropriation individuelle de la mort comme sa possibilité absolue radicale, dans la compréhension anticipatrice de la mort comme possibilité « fondamentale » de l’« être » et de sa possibilité, détruit sa propre possibilité, la présupposition même de son choix individuel – dans la mesure qu’il a produit l’ouverture, dans l’anticipation de la mort, révèle l’être fini, c’est-à-dire la complétude et la totalité de l’être comme ad-venir, s’offrir, se donner, – se donner de la « causalité » de l’être, de ce qui « il y a » (es gibt) – qui est l’expérience même de la causalité de ce qui est, en tant que présence et se rendre présent et se laisser être de la staticité et de la temporalisation de l’être « qu’il y a » dans l’histoire, en dehors et contre chaque détermination subjectivo-objective, logique, théologique et ontologique de la subjectivité philosophico-scientifique et théologico-esthétique. 

De Être et temps à Temps et être, le double mouvement de la négativité, est apparu dans l’exigence de la compréhension de la totalité et du dépassement de la réification, comme mouvement de réappropriation des choses mêmes, par le rejet de médiations logiques, culturelles, idéologiques, métaphysiques, etc., ne provient pas du manque, de l’insuffisance, mais de la plénitude et de l’accomplissement du contenu onto-théologique de la métaphysique moderne, dont l’exigence de représenter et de construire la pluralité idéologico-ontologique des possibilités d’être du monde moderne, s’est concrétisé dans la rationalisation technico-scientifique et dans les processus d’automatisation, de massification et d’organisation qui ont accompagné le développement. Le « dépassement de la métaphysique », qui exprime le mouvement d’émergence-appropriation de l’être des choses, au-delà et contre leurs interprétations onto-théo-logiques, définit « l’accomplissement de la métaphysique », dont l’acte dernier et immédiat est « l’essence de la technique moderne ». De Sein und Zeit à Zeit und Sein, la réappropriation individuelle du négatif, comme « être-pour-la-mort », devient une tentative de penser l’être « qui est là » de l’Eregnis à partir de l’ouverture extatique du temps – comme causalité de la chose même qui émerge dans l’identité de la différence, au-delà de son « non », comme être qui se donne, le laissant être dans son être en tant que chose, comme le négatif de la finitude qui se recompose et se réapproprie de son être, dedans et au-dehors, avec et contre la présente configuration onto-théo-logique de la technique moderne. 

De l’existentielle analytique de l’être-là comme compréhension anticipatrice de la mort, à « l’accomplissement de la métaphysique » dans les formes organisées du développement technico-scientifique, de la planification et du calcul, d’expression suprême et de réalisation du subjectivisme de la métaphysique moderne ; des déterminations religieuses de l’intériorité théologico-chrétienne aux formes lyrico-intuitives de l’herméneutique esthétisante, la Seinsfrage retrace le terrain des « égarements » de la compréhension des in-finis possibilités de l’être des choses dans leur possibilité de dé-voilement et d’occultation, dans la diversité de formes-apparitions et déterminations, dans laquelle la non-conclusion et la répétabilité de mémorisation explicite la pluralité-diversification, l’identité-différence du fini, non seulement à partir du « non », mais se déplaçant de l’être même « qui est ». Soit à partir de la réappropriation du négatif, dans l’angoisse de « l’être-pour-la-mort », soit en posant le problème d’un « penser non calculatoire », qui pense l’être comme « expérience de la chose même », en dehors des formes logico-ontologiques de la « pensée calculatoire et planifié », la Seinsfrage dévoile et occulte, révèle et cache, exprime dans la diversité et la différence l’identité ouverte de la possibilité du fini, comme vérité et non-vérité. 

Dans le cercle de l’étant le plus proche, nous nous croyons en sécurité. L’étant nous apparaît familier, digne de confiance, sûr. Cependant, l’illumination y étend une dissimulation constante, sous la double forme du refus et de la simulation. Ce qui est sûr est, en fin de compte, peu sûr, il n’est pas entièrement rassurant. L’essence de la vérité, c’est-à-dire le non-être-caché, est imprégnée de négation. Cette négation n’est en aucun cas un manque ou un défaut, comme si la vérité était un simple dévoilement libéré de tout obstacle. Si cela était possible, le non-être-caché ne serait plus lui-même. C’est à l’essence même de la vérité, en tant que non-être-caché, que cette négation appartient sous la forme du double voilement. La vérité, dans son essence même, est non-vérité. Cela doit être dit afin que le principe, selon lequel le non-être-caché comme illumination fait penser la négation sous la forme du voilement, apparaisse avec toute sa clarté peut être déconcertante. L’affirmation selon laquelle l’essence de la vérité est la non-vérité ne signifie donc pas que la vérité soit en fin de compte fausseté. De même, cela ne signifie pas que la vérité ne soit jamais elle-même, dans le sens où, dialectiquement, elle serait toujours aussi son opposé. La vérité est présente précisément comme elle-même, dans la mesure où la négation voilante, en tant que refus, confère à toute illumination sa provenance constante ; et en tant que simulation, lui assigne l’irrémédiable présence de l’égarement. La négation voilante désigne, dans l’essence de la vérité, cet élément de contraste qui subsiste, dans l’essence de la vérité, entre illumination et dissimulation. C’est cette opposition de la lutte originelle au cours de laquelle est conquis, par la lutte, ce Centre ouvert où l’étant séjourne et à partir duquel il se retire en lui-même. [14]

Et ensuite :

La vérité est non-vérité. Dans le non-être-caché en tant que vérité est présent, en même temps, l’autre « non » du double refus. La vérité est la lutte originelle dans laquelle, toujours d’une manière particulière, est conquis l’Ouvert dans lequel réside chaque chose et d’où émerge, en s’y retirant, ce qui se manifeste et se constitue comme étant. Quoi qu’il en soit de la manière dont cette lutte éclate et se fait histoire, c’est toujours à travers elle que se constituent, en se séparant, les combattants : l’illumination et la dissimulation. De cette manière, l’Ouvert du champ de lutte est conquis. L’ouverture de cet Ouvert, c’est-à-dire la vérité, ne peut être ce qu’elle est, c’est-à-dire cette ouverture, que si et tant qu’elle s’établit dans son Ouvert. C’est pourquoi dans cet Ouvert doit toujours exister un étant dans lequel l’ouverture prend son état et sa stabilité. En s’imposant à l’Ouvert, la vérité le maintien ouvert. Poser et im-poser, ici, sont toujours entendus en partant du sens grec de tésis, qui signifie produire ce qui se manifeste dans le non-être-caché. [15]

Le mouvement de la chose même, et non la dialectique (hégélienne) ou la conscience (husserlienne) en tant que médiations philosophiques et métaphysiques de l’être, est ce qui recompose la lutte de vérité et non-vérité de l’illumination et de la dissimulation, qui constitue, sans représentations et réflexions, la production et le placement déterminé de l’être de ce qui « il y a », qui avec la temporalisation du temps, est antérieure aux déterminations, représentations et distinctions subjectives-objectives, pour laquelle « être et temps […] se posent réciproquement de telles sortes que celui-là – l’être – et celui-ci – le temps – ne peuvent être dits ni temporels ni qu’ils sont.

Nous ne disons pas : être est, le temps est, mais il y a l’être, il y a du temps. Au lieu de « est », nous disons « il y a » (es gibt)[16]

Au début de la pensée occidentale, l’être est pensé, mais le « il y a » en tant que tel. Cela est nié en faveur du don, ce qui est là, don qui n’est pensée comme être en relation avec l’étant qu’ultérieurement et qui est ensuite placé dans un concept. Un donner, qui ne donne que son don, et dans cela cependant se retient lui-même et s’annihile, un tel donner, nous l’appelons accepter. Selon le sens dans lequel le donner doit être pensé, il est l’être, le « il y a », le destin. Ainsi chacune de ses transformations reste destin. L’historicité de l’histoire de l’être se détermine à partir de l’être-destin d’un accepter, non à partir d’un événement entendu dans un mode indéterminé. [17]

Ce se donner-se nier de l’historicisation du « il y a », dans le destin de « l’identité » qui se nie comme « différence » et se réapproprie comme « événement » de « ce qui est », est l’histoire épocale de l’être-propre, exproprié et réapproprié dans sa présence temporelle et spatiale, comme nécessité-liberté de ce qui émerge dans et par l’accomplissement épocale, comme négation-acceptation de l’émergence de l’événement de l’être-propre, pour qui la réappropriation et la mémorisation du propre-destin, occulte et dévoile, dans le même temps, le « il y a », dans sa plénitude spatiale et temporelle, dans la matérialité absolue (« fini »), comme possibilité d’être totalement le propre destin, en se réappropriant totalement de sa propre expropriation. 

Le don du présent est ce qui est propre à l’émergence. L’être disparaît dans l’événement. Dans l’expression « être en tant qu’événement », le « en tant que » signifie maintenant être, laisser être présent le destin dans l’émergence, le temps qui s’écoule dans l’émergence. Temps et être adviennent dans l’événement. Et cela ? Peut-on encore parler de l’événement ? [18]

Le rejet de l’expropriation et de la perte d’identité émerge en libérant l’identité de « ce qui est là », comme le destin de l’être-propre, en tant que spécification historique de l’émergence-avenir du présent comme faire-être présent, vérité-désoccultation de la possibilité finie, comme flux temporel et spaziale de la totalité de l’être-prore, comme liberté-nécessité, activité-passivité, expropriation-réappropriation.

Au cours de notre chemin, il a déjà été pensé, mais pas encore proprement affirmé, que le don de l’acceptation implique l’occultation, c’est-à-dire le fait que, dans le flux de ce qui a été et de son arrivée, agissent le refus et le retrait du présent. Ce qui a été maintenant appelé occultation, refus, soustraction de soi, désignent quasiment un même mouvement de négation, en bref : le refus. Cependant, en tant qu’ils reposent dans l’émergence avec les modes déterminants du donner, de l’accepter et du flux, le refus doit appartenir à ce qui est propre à l’événement. [19]

L’être-propre de « l’événement », c’est que l’« accepter » le « destin » c’est l’ouverture et la libération, le faire-être-présent du « jouir » et du « donner », la recomposition temporelle et spatiale des déterminations-possibilités finies de l’émergence.

Dans le temps authentique et dans son espace de temps a été montré le flux de ce qui a été, donc de la non-présente, le rejet de cela. Il est apparu dans le flux de l’avenir, c’est-à-dire de la non-présente, de s’en être écarté. Le refus et la soustraction manifestent le même mouvement que la fixation dans l’acceptation, c’est-à-dire la dissimulation. Dans la mesure où le destin d’être dans le temps et celui-ci est en l’occurrence, ce qui est son propre manifeste se manifeste à l’avenir, ce qui empêche son appropriation de la dissimulation illimitée. La venue ici signifiait que cela signifiait : elle s’exproprie, dans le sens de lui-même. L’événement en tant que tel est l’expropriation. Pour cela, l’événement ne se refuse pas lui-même, mais exprime son être précisément… En étant en présence, le premier mouvement se manifeste, ce qui implique nous les hommes, qui, en périssant et en assumant ce mouvement, ont atteint la caractéristique de l’être humain. Cette hypothèse du mouvement initial du présent consiste cependant dans la sphère de l’écoulement, dans laquelle le temps authentique à quatre dimensions nous a atteint en tant que tel. Dans la mesure où l’être et le temps ne sont que dans le futur, lui appartient la propriété, qu’il porte l’homme, comme celui qui perçoit l’être, inasmtro en son tempstempo, dans son propre être. Ainsi se réapproprié, l’homme appartient à l’événement.

Dans l’« accomplissement » – « dépassement » – « destruction » des déterminations « onto-théo-logique » de la pensée « calculatoire et planifiante », « fondatrices-représentantes », les liens du sujet-objet s’effondrent, réabsorbés et confondus dans l’émergence de cette nouvelle dimension, abstraite et concrète dans le sens marxien, dans lequel le mouvement de l’événement s’écoule dans la pluralité dimensionnelle du temps et de l’espace de processus apparemment impersonnels d’expropriation et de réappropriation, d’identification et de différenciation de « l’expérience même de la chose », qui recompose l’homme en dehors et contre ses déterminations métaphysiques, dans le flux temporel et spatial contradictoire de sa finitude constitutive. Dans cet effort de libération, la nouvelle pensée non calculante, qui est un tout avec l’être du mouvement même de la réappropriation-expropriation, le nihilisme de Nietzsche et le « renversement des valeurs » de la pensée négative, articulent l’éthique du refus pour détruire les cages de valeurs, de significations et de téléologies qui « cachent » et « empêchent » la réappropriation de la condition humaine. La proposition heideggerienne de « penser » ce processus, comme la « fin de la philosophie » et la destruction du « principe de tous les principes », le principe moderne de la subjectivité de la conscience, qui a trouvé dans Hegel et Husserl les interprètes les plus actuels et les plus dangereux contre lesquels Heidegger oppose et radicalise « l’expérience de la chose elle-même », [21]doit donc être accueillie, radicalisée et libérée également des résidus et des contradictions de se proposer comme un « penser », même si elle est déjà en dehors de la tradition de la conscience séparée. Ce qui semble approprié de souligner, maintenant, dans une phase de réflexion critique sur l’œuvre de Heidegger, c’est la nécessité de rejeter n’importe quelle tentative d’utiliser une telle « pensée » sur le « dépassement de la métaphysique » pour restaurer de manière critique et ouverte, le règne séparé de l’intégralisme philosophico-spéculatif, tout à fait homogène à l’autre tentative, apparemment opposée, de la liquider comme une expression irrationnelle de la décadence bourgeoise tardive. La Seinsfrage heideggérienne réitère la possibilité de retrouver une nouvelle manière de penser, dans la crise de la forme plane de la pensée calculante et de la rationalisation scientifique et technique, dans la perspective de « dépassement » mais dans l’« accomplissement » du mouvement abstrait et concret de la technique moderne, qui désigne, bien que dans la manière réductrice et déformée de la Sozialökonomik bourgeoise, la spécificité historique du capitalisme organisé. Par laquelle, la « fin de la philosophie » reste la tâche immédiate d’une pensée qui, dans le rejet de l’existant, dévoile l’être de l’« événement », comme épaisseur temporelle et spatiale du mouvement qui s’est objectivé-exproprié-rationalisé dans la technique moderne. La pensée de la « fin de la philosophie » se pose comme le « refus de la pensée actuelle à déterminer la causalité de la pensée » [22, refus à poser la pensée et l’être comme chose, afin de recomposer l’autonomie originelle de l’être des choses dans le processus-mouvement de réappropriation-expropriation de l’être originel des choses, comme avènement de l’événement, dans la tension contradictoire du « poser objectivant-obscurcissant » et du « représenter-fondant » de la rationalité calculatrice et planificatrice, et du mouvement opposé du refus, de l’occultation et de la négation – le mouvement abstrait-concret qui est la contradiction du fini et du possible. La « fin de la philosophie » comme une tâche de pensée qui naît de la crise de la forme plane de la pensée calculatrice, et qui exprime la crise et le dépassement non comme un choix idéologique subjectif, etc., mais comme un mouvement interne qui découle de son « accomplissement », se présente comme un refus et un dévoilement, dans le même temps, comme « oui et non », en tant qu’acceptation et négation, de la technique et du mode d’être posé dans et à partir de la technique – le Ge-stell –, comme son destin et comme possibilité de « l’absolument autre » – qui est le mouvement de la Gelassenheit, avec lequel nous disons dans le même temps « oui et non », exprimant le mouvement de vérité-non vérité, d’acceptation-refus, qui rend possible le « laisser être » comme « présentifier », « remémoriser », « réapproprier » l’être des choses, comme « expérience de la chose même », « qui n’est en rien une passivité » mais une activité suprême[23]. Qu’il s’agit de reproposer la Seinsfrage non pas comme une nouvelle ontologie, mais comme un mouvement de la chose elle-même, ou de son être, qui, dans le refus, se pose comme émergence de l’intérieur même de la crise de la pro-duction technico-scientifique et de son organisation et planification cybernétique. Si le « fini » et la « possibilité » ne sont pas seulement de nouvelles catégories logico-philosophiques, mais des structures de l’être des choses, qui émergent seulement en tant que la pensée humaine se reconnaît en se retrouvant dans le mouvement intérieur de refus-présence, d’expropriation-réappropriation de ce que la pensée même, en accomplissant et en dépassant la forme plane et du calcul de l’objectivation-production technico-scientifique, réussit à faire émerger, comme « événement » et « émergence », non en allant au-dehors, mais en restant à l’intérieur de la spécificité historique, dans le « destin » et dans la « résignation », qui est aussi « refus » et « négation » de la pro-duction tecnico-scientifique et de sa rationalisation cybernétique –, alors cette nouvelle logique et nouvelle philosophie ne sont rien d’autre que le devoir heideggerrien de négation et de destruction de la pensée comme chose, c’est-à-dire de la logique et de la philosophie séparée. Mais c’est ici que la pensée négative peut se reformuler seulement dans la mesure où elle se recompose, dans la crise de sa propre fonction de rationalisation et de planification de l’existant, comme pratique même de la négation et de l’illégalité, non pas dans les profondeurs intérieures inutiles, mais dans la matérialité effective de l’affrontement et de la lutte, dans laquelle émerge le possible, comme le mouvement qui renverse l’état actuel des choses, dont Marx parle dans le Manifeste.

Nicola Massimo De Feo

Retrouvez le texte original sur https://www.archiviodefeo.it/de-feo/heidegger-e-l-autonomia-del-negativo

[1] M. Heidegger, Das Ende der Philosophie und die Aufgabe des Denkens, dans la zur Sache des Denkens, Tobingen, 1969, p. 79.

[2] M. Heidegger, Protokoll zu einem Seminarber den Vortrag « zeit und Sein » dans zuur Sache des Denkens, cit., p. 34.

[3] Voir plus. W. Sombart, capitale moderne, Turin, 1967, p. 562 ss. Sur la pensée négative, voir. M. Huntingers, On the Genesis of Negative Thinking, dans « Contropian », 1/69, pp. 131-200 et Negative and Rationalization Thought, Padoue, 1977, p. 13-84, qui expliquent cependant seulement le visage capitaliste du processus.

[4] K. Marx, Fondements de la Critique de l’économie politique, Vol. I, Florence, 1968, p. 84.

[5] K. Marx, Fundamentals, Vol. II, Florence, 1970, p. 2 ss. et 387-411.

[6] M. Heidegger, Gelassenheit, T ? bingen, 1959, p. 25-26.

[7] Sur la figure du « prolétariat social », cf. A. A. Negri, Proletari e stato, Milan 1977, et pour la question de la réappropriation, A. Negri, Parti des travailleurs contre le travail, dans Crisis and workers’ organization, Milan, 1974.

[8] Cf. R. Panzieri, Plus value and planning, dans « Red Notebooks », pp. 261 et s.

[9] Il est donc nécessaire de souligner le sens, à redécouvrir, de l’analyse du développement capitaliste de Max Weber et de Werner Sombart, qui marque le plus haut point de connexion entre le réformisme social et la rationalisation productiviste de l’histoire pluridécennale de la Verein für Sozialpolitik (1872-1933), dans laquelle s’est développée la continuité entre l’idéologie bourgeoise du travail et la stratégie sociale-démocrate du plan. Un aspect de ce processus est saisi et décrit, au niveau de la critique de l’idéologie, dans l’analyse de Kurt Lenk des formes idéologiques avec lesquelles la sociologie de la connaissance, de Simmel à Mannheim, assimile et utilise la critique marxienne de l’idéologie (cf. K. K. Lenk, Marx et la sociologie de la connaissance, Bologne, 1975). D’autre part ils restent à expliquer les niveaux les plus spécifiques d’appropriation bourgeoise de la critique de l’économie politique par la Sozialökonomik allemande de l’âge Gugliemien, afin de reconstruire les caractères du plan du capital et du plan de l’État, dans l’impact entre le réformisme ouvrier, la théorie de la rationalisation et le mouvement ouvrier professionnel.

[10] K. Marx, Fundamentals, II, cit., p. 403.

[11]L’expression marxienne se trouve dans les œuvres de jeunesse de Marx et d’Engels pour définir la critique de l’idéologie (cf. La Sainte Familleou Critique della Critique critique, Rome, 1969).

[12] K. Marx, Lineamenti fondamentali, I, cit., pp. 279 à 280.

[13] Il est possible, de reconstruire cette dimension de l’actualité du développement et de la crise de Weimar, d’utiliser ici aussi le vaste matériel des débats de la Verein für Sozialpolitik (1919-1933), dans lequel le conflit et l’homogénéité progressive émerge entre la tendance de l’ancien réformisme social bourgeois de l’« école historique » pour évoluer vers l’idéologie sociale-démocrate de la « programmation démocratique » (Landauer, W. – Rathenau, E. – Ledererer, R. Hilferding, etc.) et la nouvelle proposition du « Rationalisierung » par la nouvelle école néolibérale (L. v. Mises, F. v. Hayek, l’« École du Fribourg »). Cf., en particulier Verhandlungen des « Vereins for Sozialpolitik », M ? nchen und Leipzig, 1919 (sur le problème de la socialisation) ; Schriften des « Vereins fur Sozialpolitik », Munchen und Leipzig, 1926-1928 (sur la crise et le chômage liés à la rationalisation, et sur la politique économique et financière de « l’État-providence »). Il est utile de souligner qu’en 1927, lorsque Heidegger publie Sein und zeit, Sombart publie la troisième partie de son travail Der moderne Kapitalismus, qui analyse la phase de « maturité » du développement, dont le point le plus élevé correspond à la stabilisation et à la planification du mouvement Rationalisierung qui a commencé après la crise d’inflation de 1923, et qui dans la partie centrale, propose « la rationalisation capitaliste comme la théorie bourgeoise de la concentration ». (Sombart, Das Wirtschaftsleben im zetalter des Hochkapitalismus, Munich und Leipzig, 1927, en particulier dans le vol. II). Cette coincidence devient d’autant plus importante qu’à partir de 1927, Sombart assume l’analytique existentielle heideggerienne pour refonder la théorie de l’économie politique avec une articulation ontologico-anthropologique de la science sociale en tant que matrice Weberienne (cf. Die drei National ? konomien, Berlin, 1932). Et ce n’est pas seulement pour une nécessaire historicisation de Sein und zeit, mais aussi pour un lien théorique plus adéquat entre la pensée négative et la forme planifiée de rationalisation capitaliste.

[14] M. Heidegger, Sentieri interrotti, Florence, 1968, pp. 39 à 40.

[15]  Ibid pp. 46-56.

[16] M. Heidegger, zeit und Sein, dans zur Sache des Denkens, cit., p. 5.

[17] Ibid, p. 9. Si l’expression « il y a de l’être », signifie que « être donner de l’être », elle n’indique aucun « étant », ni « chose », mais au contraire, que le mot « es » contenu dans l’expression « es gibt Sein », est « une forme du Donner (…), le Donner en tant que destin, le Donner comme un flux éclairant » (p. 19), donc « Dans le destin de l’historicité de l’être, dans le flux du temps, s’opère une appropriation, un passage de l’être en tant que présence et du temps en tant que domaine de l’Ouvert dans leur être propre. Ce qui détermine l’un et l’autre, le temps et l’être, dans leur propriété, c’est-à-dire dans leur réciprocité, nous l’appelons l’événement » (p. 20). Sur la notion d’Ereignis dans la pensée de Heidegger, de Identit und Differenz, aux deux volumes sur Nietzsche à Das Wesen der Technik, cf. Protokoll zu einem Seminar uber den Vortrag « zeit und Sein », cit., p. 38 à 39.

[18] M. Heidegger, zeit und Sein, cit., pp. 22-23. De « l’événement », dit Heidegger, on ne peut pas dire qu’il est, ni qu’il y a : « L’événement n’est pas, ni qu’il y a » (p. 24). « Ce qui reste à dire : l’événement se produit. Ainsi, nous parlons du Même, de et pour le Même » (ibid.).

[19] Ibid, p. 23.

[20] Ibid, pp. 23-24.

[21] M. Heidegger, Protokoll zu einem Seminar uber den Vortrag « zeit und Sein », cit., p. 27. La Essentielle, pour la confrontation critique avec la doctrine kantienne de l’analytique transcendantale dans Die Frage nach dem Ding, Tobingen, 1962 et les conférences Heideggerienne de 1951-1952 sur Was heisst Denken, Tubingen, 1961. Enfin, les derniers essais du volume zur Sache des DenkensDas Ende der Philosophie und die Aufgabe des Denkens, pp. 61-80, et Mein Weg dans die Phnomenologie, pp. 81-90.

[22] M. Heidegger, Das Ende der Philosophie und die Aufgabe des Denkens, cit., p. 80.

[23] M. Heidegger, chemins interrompus, cit., p. 66 ; l’essai fondamental Gelassenheit, cit.; la conférence La cosa, in Saggi e discorsi, Milan, 1976, p. 109-124, avec déjà cité L’origine dell’opera d’arte, in Sentieri interroti, cit., pp. 3-69. Dans le déjà cité Protokoll su einem Seminar über Vortrag « Zeit und Sein », Heidegger dit « Ce n’est que tant qu’il y a le laisser-être-présent que le laisser-être-présent du présent est possible » (p. 40), dont la « la difficulté fondamentale réside dans le fait que c’est de l’événement qu’il devient nécessaire d’ouvrir à la pensée la différence ontologique » (p. 40-41). Et c’est cette dimension « active » du processus d’expropriation-réappropriation de l’« événement », qui constitue cette « primat de la praxis » du Seinsfrage, qui de Sein und zeit au Brief uber Humanismus a zeit und Sein rend possible « un dialogue productif avec le marxisme » (cf. les sages de C. Astrada, die Moglichkeit einer existenzial-geschichtlichen Praxis, à Martin Heidegger Einflus ae die Wissenschaften. Aus Anlass seines sechzigstensten Geburtstages, Berne, 1949, pp. 165-171 ; O. Poggeler, Der Denkweg Martin Heideggers, Pfullingen, 1963; A. Chapelle, L’ontologie phénoménologique de Heidegger, Paris, 1962 ; M. Cacciari, Pensiero negativo e razionnalizzazione, cit., pp. 85 s.; G. Prauss, Erkennund Handeln in Heideggers « Sein und zeit», Freiburg/Munchen, 1977 ; H. G. Gadamer, Vom zierkel des Verstehens, in Martin Heidegger zum siebigsten Geburtstag, Pfullingen, 1959, p. 24-34; K. Axelos, Einfuhrung dans ein kunftiges Denken, Tubingen, 1966 ; L. Goldmann, Lukacs et Heidegger ; Vérone, 1976, qui, dans la diversité des orientations interprétatives, saisissent la qualité historico-sociale et politico-existentielle de la problématique heideggérienne du « dépassement de la métaphysique », même dans une vision généralement dépendante de la pensée négative en ce qui concerne la « tésis-pro-duzione » des mécanismes de rationalisation et de planification de la « pensée calculante » et de la tradition « onto-théo-logique » et de la technique moderne).

Retour en haut