Édito

Les arcanes de la Métropole

Le continuum du désastre suit son cours. Une ambiance macabre plane sur le monde, l’hypothèse d’une troisième guerre mondiale prend un peu plus d’ampleur. Cristallisant les angoisses passées, les expériences traumatiques moins lointaines sont comme une force annihilant les dynamiques des forces historiques. La Métropole est quant à elle l’environnement infrastructurel d’accentuation de cette annihilation des dynamiques. La domestication effectuée par le premier confinement et les autres mesures sanitaires ont renforcé les dispositifs de la Métropole.

Dépossession, tactique et ontologie

L’état général des forces historiques est acculé à un état de pleine dépossession. Cet état correspond à un environnement qui maintient les forces historiques dans l’incapacité physique d’aller au contact. Seulement obligé à prendre des coups. La dépossession est le mode opératoire de l’Occident pour lui permettre de garder le monde sous son joug : approfondir la mutilation de la singularité des existences et leur condition de vie. Privés du partage de leur expérience, incapables de vivre une expérience de vérité, les dépossédés vivent la capture du rapport au temps et le ravage des conditions matérielles des formes de vie. La dépossession n’est pas une fin, elle est le point de départ du combat à mener, certes avec son lot de difficultés, selon la singularité du point de départ. Cet état ne doit plus paralyser, mais alimenter la rage contre nos adversaires, animer le besoin du monde.

Alchimie du langage

Dans l’abîme où nous sommes plongés, nous traversons des strates d’opacités. Essayant dans cette obscurité d’arracher la capacité de voyance. Cette capacité correspond à la faculté de percevoir l’éclosion de forme, et par la suite d’être capable d’agir. C’est l’ambition de retrouver une attention à la proximité pour ainsi voir plus loin, percevoir l’horizon. Sans le partage de cette aptitude, la question du communisme se résume inlassablement à la répétition de la mutilation éprouvée dans l’expérience d’une communauté terrible.

L’abondance de la gouvernance

Les communicants de la politique ont annoncé la fin de l’abondance. C’est la fin d’un paradigme et le début d’un autre : celui de la pénurie. Néolibéralisme oblige, la politique de la crise règne toujours et son efficacité reste évidemment opérationnelle. L’annonce de la pénurie est une opération de tension permanente, c’est un mode de gouvernance. Le capital amplifie sa temporalité, celle constituée par la modernité comme unique temporalité possible : celle du calcul et de la gestion. La toile de l’économie du temps de la modernité provoque l’homogénéisation des différentes temporalités constituant les multiplicités de mondes, qu’il soit humain, animal, végétal. Nous n’échappons pas à cette soumission à l’amplification constante de l’urgence.

Par-delà les mouvements sociaux

L’économie enflamme les conditions d’existence et généralise la suffocation des âmes mutilées. La CGT tente de créer un mirage, celui d’un énième mouvement social. Les milieux radicaux sans boussole prennent ce mirage comme l’espoir de retrouver leur fragile existence d’antan. Pourtant un mirage reste un mirage, il n’est que le fruit d’une illusion d’optique. Résultat, le retour d’un plan de perception usé en manque constant de souffle. L’incapacité chronique de faire le constat des échecs passés (pourtant bien récents) qui nous conduit tous à « la soumission totale à l’état de choses, son acceptation sans réserve ».

Il était encore une fois la société

Un jour exclus, un jour inclus. La société tient encore. Sa désintégration a été une nouvelle fois ralentie. Un peu plus de deux années que la société a repris ses forces, ranimant son emprise sur les corps sans trop rencontrer d’adversité. Un grand silence s’est installé rendant peu audibles les quelques paroles de vérité. Le mensonge était peut-être plus commode pour vivre. La société s’est voulue cozy : elle voulait simplement prend soin de nous. Et pourtant, ce soin que la société promis s’est révélé un pouvoir bienveillant qui tend à nous garder en elle par le maintien de la machine sociale. Tant que la machine fonctionne, les rôles sociaux tiennent dans leur terrible opacité.

Santé et extinction

Dans la civilisation de la maladie, la santé à une place déterminante dans le bon fonctionnement de la gouvernance. La santé est une condition nécessaire au pouvoir pour se maintenir. Dans tout l’arsenal de dispositifs policiers et sociaux que met en place l’appareil d’État, la santé publique nous intéresse ici tout particulièrement. Car elle coïncide avec les sordides guerres nationales.

Un spectre nommé communisme

Un spectre hante le monde : le spectre du communisme. Face à un monde où tout est devenu spectral, étranger à nos âmes, le spectre du communisme tend à réparer notre participation au monde, redonner un souffle aux âmes perdues. Il pose la seule question souhaitable, celle du communisme. Son histoire est éparse, ses origines sont diverses et encore discutées. On peut remonter ses origines au Livre des Psaumes pour y entrevoir une esquisse communiste. L’histoire du communisme ne peut se résumer à Marx. Avant lui, les babouvistes définissaient déjà un « communisme unitaire » (Théodore Dézamy) et festoyaient au sein des fameux « banquets communistes » de Belleville. Avant cela, en 1835, les babouvistes se qualifiaient encore de « communautistes » avec le fragment énigmatique du jeune Hölderlin intitulé : Communismus der Geister (« Communisme des esprits », 1798). Ce fragment aux mots mélancoliques transmet son sentiment d’étrangeté au monde. Hölderlin dessine une tentative extraction de cette étrangeté par un Communisme des esprits.

La fin du monde n’est pas une fin

Qu’importe les saisons, elles-mêmes déjà disparues. Incendies, sécheresses, et autres phénomènes dits « climatiques » s’accentuent aux quatre coins du globe. De la Californie à la Grèce, en passant par l’Inde, les conséquences du ravage universel sont visibles à tous. Les projections du GIEC n’annoncent rien de bon sous le soleil du capital. Trois ans nous annoncent-ils, avant que ne soit trop tard. Peut-être qu’il est déjà trop tard pour le fameux sursaut.

Élégie de liberté

Depuis plus de deux ans, nous sommes à terre, gisant sur le sol, incapable de se relever dignement. Les gens sont allés voter de la même manière qu’ils sont allés se faire vacciner, ils ont cédé au chantage dans une résignation généralisée, marquant dans leur chair cet état d’impuissance. Nous prenons coup sur coup, le Covid, la guerre froide, l’élection présidentielle, et dès cet été nous reprendrons bien une savate de la part du gouvernement. Certainement, dans un premier temps, une réforme des retraites, puis en un second temps un retour du pass sanitaire. Tous ces coups sont le moyen de maintenir une pression sur les corps. Rendant impossible de se relever pour les rendre. Pourtant, il y a eu un moment où la pression s’est relâchée en février dernier.