Position

Désert

Un texte de Théo Lévêque
Le désert c’est le grand équilibre, le dernier rêve. 
Il s’est construit de béton.
Pour que chaque chose trouve sa place.
La terre n’a rien à offrir,
Elle ne porte plus ses enfants.
Désormais il y a des murs. 

Sur l’anarchie aujourd’hui

Un texte de Giorgio Agamben
Si pour ceux qui entendent penser la politique, dont elle constitue en quelque sorte le foyer extrême ou le point de fuite, l’anarchie n’a jamais cessé d’être d’actualité, elle l’est aujourd’hui aussi en raison de la persécution injuste et féroce à laquelle un anarchiste est soumis dans les prisons italiennes. Mais parler de l’anarchie, comme on a dû le faire, sur le plan du droit, implique nécessairement un paradoxe, car il est pour le moins contradictoire d’exiger que l’État reconnaisse le droit de nier l’État, tout comme, si l’on entend mener le droit de résistance jusqu’à ses ultimes conséquences, on ne peut raisonnablement exiger que la possibilité de la guerre civile soit légalement protégée.

Prendre d’autres chemins

À travers chaque mouvement social, nous avançons de défaite en défaite. Pourtant personne n’est dupe. La base sociale de croyance à la politique ou aux acquis sociaux est de plus en plus mince. La situation actuelle a ceci de particulier que plus nous bougeons pour défendre ces acquis sociaux, plus nous sommes pris au piège, rendus à la simple impuissance. Nos ennemis nous matent encore une fois.
Pourtant, nous pouvons prendre notre courage à deux mains. Certains l’ont déjà montré, il faut suivre leur exemple et essayer une nouvelle fois de changer le cours des choses.

Défaire la gauche

Un texte d’Ezra Riquelme
Dans le contexte actuel de saturation des possibilités des bifurcations, nous assistons encore une fois au retour de la gauche, cette entité crasseuse et morale qui cherche sans cesse à se recomposer et qui maintient sa vocation à paralyser le parti historique. Il faut voir la gauche comme un vaccin dont personne n’a besoin – sauf le pouvoir, c’est sans dire – et dont chaque dose diminue drastiquement le besoin de révolution. Ces dernières années ont rappelé cette évidence selon laquelle la gauche s’approprie et défait tous les gestes de soustraction à l’état des choses.

De quoi la métropole est-elle le nom ?

Un texte de Camille Métaformix
La métropole est-elle cette forme de vie étendue à l’étendue du fait de la force centrifuge-centripète qu’exercent les centres urbains sur l’ensemble des espaces ? (Comité I., 2014).
La métropole deviendrait ainsi le nom d’une toile dont le maillage aurait pour cœurs les villes. Cette dénomination, ou plutôt cette définition donnerait au mot une visée stratégique en ce qu’elle pose une cartographie guerrière qui paraît opératoire encore à l’heure actuelle. Partons alors de là. Affirmons, affinons la visée.

Metropolis

Un texte d’Owen Sleater
À force de vagabondage dans un monde étroit, on constate des flux de foules traversant ce qui semble être des rues. Pourtant, rien n’y habite franchement. Tout circule sans y vivre un attachement profond, et l’errance est la seule possibilité de passage. La métropole est comme un gigantesque décor entre musées et chantiers sans fin. Vivre n’a pas sa place en métropole, tout juste la survie, c’est la condition préalable de cette expérience de domesticité. La métropole s’étend partout un peu plus, élargit l’étendue du réseau où sévit perpétuellement l’économie. Les villes, les campagnes, les déserts, les forêts, chaque milieu est alors façonné selon les courbes épurées du projet métropolitain, pour ainsi être réduit à de simples pôles d’une sinistre cartographie de cette infrastructure impérialiste. La métropole est un environnement de mobilisation totale.

L’étudiant dans la nuit de la dépossession

Un texte de Gerardo Muñoz
Au printemps 2021, une image a largement circulé dans les journaux et a ouvert un point d’entrée dans notre époque : il s’agissait d’une image floue, plutôt pauvre et pixellisée, d’un étudiant espagnol nommé Carlos Alegre, assis dans un coin reculé d’une rue de Malaga, lisant son cahier d’école en attendant les commandes de livraison de nourriture de l’entreprise Glovo. L’image ne nous indique ni le temps ni le lieu, mais elle fournit spatialement un geste fondamental : la soustraction de l’attention de l’élève au mystère d’une temporalité subsumée par l’administration de l’échange de valeurs.

La destruction constante de l’expérience

Un texte d’Ezra Riquelme
Il y a une chose qui se transmet de génération en génération, l’incapacité de vivre une expérience et de la partager. C’est le malheur que porte l’homme contemporain. Être dépossédé de son expérience, privé de son histoire, l’impossibilité chronique du partage de l’expérience avec d’autres. Rien de nouveau sous le soleil. Dès 1933, Walter Benjamin faisait ce constat accablant dans Expérience et pauvreté à propos de notre époque moderne

Liberté et insécurité

Un texte de Giorgio Agamben
Il est probable que la dialectique cybernétique entre l’anarchie et l’urgence atteigne un seuil, au-delà duquel plus aucun pilote ne pourra diriger le navire et les hommes, dans le naufrage désormais inévitable, devront se remettre en question sur la liberté qu’ils ont si imprudemment sacrifiée.

La vérité et le nom de Dieu

Un texte de Giorgio Agamben
Depuis près d’un siècle, les philosophes parlent de la mort de Dieu et, comme c’est souvent le cas, cette vérité semble désormais tacitement et presque inconsciemment acceptée par le commun des mortels, sans pour autant que ses conséquences soient mesurées et comprises. L’une d’entre elles – et certainement pas la moins pertinente – est que Dieu – ou plutôt son nom – a été la première et la dernière garantie du lien entre le langage et le monde, entre les mots et les choses. D’où l’importance décisive dans notre culture de l’argument ontologique, qui tenait Dieu et le langage insolubles, et du serment prononcé sur le nom de Dieu, qui nous obligeait à répondre de la transgression du lien entre nos mots et les choses.