« Je ne suis ni idéaliste, ni matérialiste, seulement communiste. »
Jacques Camatte, Scatologie et résurrection
Le capital n’est pas plus un système qu’un ensemble de lois, il n’est toujours pas un automate et ne se réduit pas à quelques individus détenteurs de « moyens de production ». S’il est bien un mouvement, il n’est pas n’importe quel mouvement. Il est le mouvement qui voit dans le repos sa propre fin, et qui par amour du mouvement – c’est-à-dire par peur de la mort – cherche inlassablement à s’immortaliser. Il n’est donc pas tout à fait étranger à la vie, comme tant ont pu l’affirmer. Toutefois, il est ce phénomène qui la fige, parce qu’il supprime la possibilité de questionner sa soi-disant nécessaire continuité. Ainsi figée, la vie risque, à tout moment, de s’éteindre.
Ce que la tradition révolutionnaire a pu appeler capital, ce que d’autres ont pu appeler économie, se résume dans la construction d’un environnement, dans le redoublement de la réalité. Ce sont des forces spécifiques, des forces puissantes – c’est-à-dire mobilisatrices, libidinales, susceptibles de mettre en marche les désirs, par la contrainte ou non – plus ou moins capables de taire, d’escamoter ou de refouler les souffrances sur lesquelles s’est bâtie cette seconde nature. À travers le masque du progrès, un nombre incalculable d’individus et d’institutions ont édifié un tel environnement à l’échelle du globe. Devenu monde, ce dernier détruit et remplace les représentations multiples de la réalité. Désormais, le capital est devenu le tissu conjonctif des relations, il les caractérise par une incertitude généralisée, incertitude non seulement du rapport entre les êtres, mais aussi incertitude de leur existence même. Pour s’en sortir, il devient impérieux de trouver des talismans, des points de certitude, dont la rencontre nous aide à savoir à quoi l’on tient et à élaborer autre chose qu’une forme de vie moulée par le capital. Les textes de Jacques Camatte sont l’un d’entre eux.
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La mort de Jacques Camatte ne laisse pas de vide, pas de manque à combler, car sa vie fut l’expression pleine d’une certitude. Tout du long de ses textes, il nous lègue la passion et l’intransigeance avec lesquelles celle-ci se manifeste. C’est une chose aujourd’hui trop rare et trop précieuse, singulière en quelque sorte, pour ne pas prendre le temps de cheminer encore avec.
Continuons de l’étudier, de penser avec lui.
Mohand