« Il ne s’agit pas de considérer à tout prix les animaux comme les grands perdants du monde capitalisé civilisé, mais de les envisager comme des agents de la résistance au sein d’un maquis non-innocent. »
Fahim Amir, Révoltes animales
À l’heure où le désastre ne fait que croître, des mouvements de résistance non humains s’intensifient. Le vivant n’a pas encore rendu les armes face au capital et à l’anthropocène. Le monde animal a, au fil des décennies, subi une accélération drastique de la destruction de ses milieux de vie. Devenant pour certains des prisonniers de Zoo en tout genre, reflétant enfin compte notre condition d’humanité. Parquer les animaux pour les préserver de leur extinction, révèle le véritable sens de notre conception de la vie. Incapable de prendre le mal à la racine, nous préférons « sauver » ces animaux de la mort, pour leur offrir avec humanisme une vie sans vie, c’est-à-dire une vie totalement soumise à la bonne volonté de l’économie. Cela ne vous rappelle rien ? « Qui voudra sauver sa vie la perdra » (Marc). Nous avons fait cette expérience regrettable d’un parc humain généralisé. Regarder sur son smartphone ou sur sa télé, des vidéos de sympathiques animaux pour soulager le vide affectif et existentiel toujours plus profond.
Malgré l’horreur de l’époque, la résistance animale comme dynamique hétérogène singulièrement située relève non d’une simple défense existentielle, mais d’une contre-attaque existentielle. En octobre 2020 au nord de l’Inde, des gangs, ou plutôt des machines de guerre, de singes attaquent un mur de construction à Agra faisant deux morts humains. La destruction des milieux de vie des singes engendre leur vendetta face à l’ordre impérial humain. Un coup d’éclat retentissant, cette fois-ci à New Delhi en 2007, une bande de singe saccage la ville s’en prenant au Parlement, aux ministères rendant une petite visite de courtoisie au Premier ministre dans son immeuble fortifié. Mais ces joyeux lurons ne s’arrêtent pas là, venant à taper à la porte du domicile de l’adjoint au maire. Cet adjoint ne voulant pas répondre aux revendications des singes subit une aimable bousculade provoquant sa chute et de surcroît un retour sur terre brutal, causant sa mort.
En Angleterre, les renards exilés dans les villes et bien obligés de se nourrir font preuve de la plus grande témérité face à la monarchie parlementaire. Bien décidés à survivre, les renards d’Angleterre profanent à tour de pattes les maisons, trouvant de quoi festoyer en croquant par mégarde certains rejetons humains. Les renards décident d’habiter sincèrement les espaces verts londoniens au grand dam de la mairie de Londres. En somme, les renards habitent le désert métropolitain, œuvrant à proliférer la panique dans les rues et dans les cœurs des bons citoyens.
Chez leurs cousins américains, en Californie, précisément à South Lake Tahoe, un ours de 200 kg du nom de Hank the Tank mène l’American way of life à sa manière. Ce gros nounours est un cambrioleur de pavillons. En juillet 2021, on estime à son actif un peu plus de 28 effractions. Ce gentleman cambrioleur reste attaché à cette grande tradition, il ne fait aucune victime humaine, il jouit simplement avec panache de leur bien matériel. Si comme tous les gentlemen cambrioleurs la population le trouve héroïque, pour la police leur haine grandit espérant recevoir l’accord de l’abattre.
La chaleur monte, les plages se remplissent, les baigneurs affluent et certains requins décident d’en finir avec la société de loisir. Ingérer un baigneur est le signe de la bonne santé de la lutte contre la destruction de la vie provoquée par le tourisme. Le requin rappelle au baigneur sa position dans le désastre. L’océan est un milieu de vie menacé par l’égocentrisme des baigneurs polluant à la hauteur de leur fric les océans et les mers. Ce grand marché touristique remplit de cadavres et de décombres toutes ces eaux. Le requin porte à l’attention des baigneurs le risque de ce genre de style, par une descente à pic en eaux troubles. Les touristes ne sont pas tout puissants, ils sont plutôt l’incarnation de la faiblesse même du sujet. Quand un requin fait l’effort de bien vouloir gober volontairement un baigneur, il rétablit l’indistinction du sujet/objet. Le monde n’est pas un objet inerte, c’est un monde débordant de dynamisme. Se faire manger pour un touriste, c’est retrouver le contact avec le monde qu’il cherchait désespérément dans ses minables expériences contrôlées.
Il reste encore de nombreux récits à découvrir sur la résistance animale, leurs coups d’éclat ne sont pas près de s’arrêter. Certainement un exemple à suivre.
Salem Saberhagen