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L’Empire contre la vie

Il n’y a pas à douter que l’on assiste actuellement à un tournant de l’histoire : un basculement radical dans la destruction généralisée des multiplicités de formes de vie. Depuis plus de trois années, l’Empire mène une gigantesque contre-offensive contre les potentialités de bouleversement de la sensibilité générale. Car l’Empire est le maintien des dispositifs de l’État moderne, et tout État moderne repose la condition d’une entreprise « impériale ». Cela a été bien intégré par les deux puissances historiques en concurrence que sont les États-Unis et la Chine, afin de réaliser leur objectif : devenir l’hégémonie mondiale. La clairvoyance de Tiqqun 2 fut de voir que l’Empire n’était pas tant américain que chinois. L’Empire est donc un Katechon. « “Empire” désigne ici le pouvoir historique qui parvient à retenir l’avènement de l’Antéchrist et la fin de l’éon actuel » (Carl Schmitt, Le Nomos de la Terre). Face au débordement de la vie, l’Empire se constitue comme le dernier rempart pour endiguer le débordement. « l’Empire est effectivement l’ultime arrêt de la civilisation avant son terminus, la dernière extrémité de son agonie où toutes les images de la vie qui la quitte défilent devant elle » (Tiqqun 2, « Introduction à la guerre civile »). Le tournant historique opéré par l’Empire accentue l’assignation de toute forme de vie à se conformer non à une loi commune, mais à son identité homogénéisante. Autrement dit, l’Empire assigne à se fondre dans sa forme de vie impériale ou à être annihilé. Pour l’Empire, il n’est plus question d’épargner les singularités qui tentent de fuir son emprise, mais de les détruire sur tous les plans. Il y a qu’à sortir dehors pour entendre les citoyens désirer le massacre de ce qui n’épouse pas le grand corps social. 

Nous sommes plongés dans une saison en enfer, et notre seule porte de sortie est peut-être un exil combatif tenu par une abondance d’attachements au monde. « Car je puis dire que la victoire m’est acquise : les grincements de dents, les sifflements de feu, les soupirs empestés se modèrent. Tous les souvenirs immondes s’effacent. Mes derniers regrets détalent, – des jalousies pour les mendiants, les brigands, les amis de la mort, les arriérés de toutes sortes. — Damnés, si je me vengeais ! » (Arthur Rimbaud, Adieu

Entêtement

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