Le continuum du désastre suit son cours. Une ambiance macabre plane sur le monde, l’hypothèse d’une troisième guerre mondiale prend un peu plus d’ampleur. Cristallisant les angoisses passées, les expériences traumatiques moins lointaines sont une comme force annihilant les dynamiques des forces historiques. La Métropole est quant à elle l’environnement infrastructurel d’accentuation de cette annihilation des dynamiques. La domestication effectuée par le premier confinement et les autres mesures sanitaires ont renforcé les dispositifs de la Métropole. N’importe quelle personne qui a foutu les pieds dans les dernières manifestations a pu voir avec effroi la zombification des gens. On remarque que dans les manifestations parisiennes, le pouvoir a su apprendre de ses dernières déconvenues vécues fin de l’année 2018. Le dispositif mis en place applique la redoutable efficacité du pouvoir environnemental que l’infrastructure de la Métropole a établi. La présence, ou plutôt la non-présence de la police, planquée dans les rues adjacentes, apparaît au moment opportun pour nous rappeler la triste réalité : rien n’est possible dans un dispositif. Il faut aussi se souvenir que cette nouvelle technique du maintien de l’ordre vient après la mise en circulation de la BRAV, qui a permis au pouvoir de marquer les corps et les esprits d’une nouvelle brutalité. La BRAV hante toutes les têtes. Cela se ressent à chaque tentative de briser le dispositif manifestation. Quand la bifurcation s’élance, elle est peu suivie, puis se fige au bout de quelques mètres, prise par le spectre de la BRAV. Le pouvoir a réussi à maintenir l’ordre dans nos têtes.
La domestication effectuée par la Métropole, nous forge des habitudes traumatiques, nous sommes réduits à une forme de fragilité, ou l’impuissance est communément admise comme la condition adéquate d’exister dans ce monde. Bien évidemment que tout ceci n’est encore qu’un récit social, la réalité est ailleurs, et heureusement. On retrouve les grands défenseurs de cette mascarade sociale, toute la sphère de la gauche s’empresse d’affirmer politiquement la fragilité même sous couvert de sa propre critique bien creuse. Car ce qui importe le plus pour la gauche, c’est la condition de sa gouvernance qui implique la fragilité, de maintenir les êtres dans le marécage de l’impuissance. Être de gauche, c’est être fragile pour mieux chasser ses proies. Ils peuvent parler « d’émancipation » ou « d’anarchie », ils défendent à chaque fois la Métropole et la gouvernance. L’éthos métropolitain qu’il soit de gauche ou de droite, cela ne diffère pas tant sur la finalité même de gouverner, mais sur la façon d’y parvenir. La Métropole a été construite par des prédateurs, pour des prédateurs. Quoi de mieux que de produire ses proies en masse, puis jouer avec pendant un temps, pour ensuite les liquider. Prôner la fragilité, donne lieu à deux positions sur le terrain de la Métropole : ou être du bétail qui se précipite à l’abattoir, ou bien être le prédateur qui jouit de la naïveté de sa proie. Affirmer sa fragilité, c’est se complaire à l’impuissance. Autant partir d’ailleurs, partir des refus de ce monde. « Quand nous refusons par un mouvement sans mépris, sans exaltation, et anonyme, autant qu’il se peut, car le pouvoir de refuser ne s’accomplit pas à partir de nous-mêmes, ni en notre seul nom, mais à partir d’un commencement très pauvre qui appartient d’abord à ceux qui ne peuvent pas parler. On dira qu’aujourd’hui il est facile de refuser, que l’exercice de ce pouvoir comporte peu de risques. C’est sans doute vrai pour la plupart d’entre nous. Je crois cependant que refuser n’est jamais facile, et que nous devons apprendre à refuser et à maintenir intact, par la rigueur de la pensée et la modestie de l’expression, le pouvoir de refus que désormais chacune de nos affirmations devrait vérifier. » (Maurice Blanchot, Le refus, Le 14 juillet)
Entêtement