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Traité du bon métropolitain

Tout le monde rêve de métropole, on quitte la campagne pour la métropole, on quitte la métropole pour étendre sa joie aux zones désertifiées par l’ennui de la ruralité sommaire. La métropole est l’environnement le plus parfait, tout peut de se connecter, tout est valorisable, tout s’enrichit en métropole, de réseaux, de culture. La jouissance est au cœur du projet métropolitain. Ceux qui n’ont pas eu la chance d’être nés en métropole le savent bien, la vie métropolitaine c’est la vie sociale.

Le métropolitain est le bon citoyen. Cultivé raffiné, il sait mieux que tout le monde ce qui est bon pour l’humanité. La seule intimité que reconnaît le métropolitain est la valeur de son capital humain. Être un métropolitain c’est avoir du cœur pour son prochain, lui vouloir le meilleur. Le métropolitain est avant tout un humain et bien civilisé. Il désire secrètement une dictature pour parfaire l’amour de son prochain.

Être un bon métropolitain n’est pas une tâche si aisée que cela. Il faut travailler son capital physique, culturel, politique et sentimental. Le métropolitain est toujours là pour donner son avis critique et faire briller la justesse de sa verve. L’humour est une des qualités primordiales pour réussir dans la mondanité métropolitaine, il faut faire preuve d’intelligence par l’art du cynisme et d’ironie. Lire Houellebecq est un prérequis. Parler de soi sans qu’on le remarque est la règle. Plus le Moi est gros, plus le métropolitain bande dur.

Tout est une question de travail et de volonté, telle est le credo métropolitain, il n’existe rien d’autre que le travail. Le métropolitain est au travail, est le travail, il est donc le producteur et facteur de production ; autrement dit, il est le consommateur et le producteur, consommateur de producteur et producteur de consommateurs. Pas besoin de bureau, tout rapport social est du travail. Tout se vend surtout son existence. Son corps est une arme et arme du travail, il faut alors bien entretenir son corps. Il y a des salles de sports pour cela. Le métropolitain est un être créatif, il a un tas de projets, chacun réenchante sa domesticité.

La sensibilité métropolitaine est des plus raffinées tant qu’on peut la sniffer. Pour le métropolitain, le mensonge n’est pas un problème, mais c’est le prix de l’authenticité. Tout doit être beau et au bon goût de son désir. Être faux, c’est être vrai. Le métropolitain n’existe qu’à proportion du désir que l’on se fait de lui, il ne connaît que ce que l’on dit de lui. Le métropolitain comprend tout, tant qu’on parle de lui. Le métropolitain est un sujet pour lui et un objet pour d’autre.

L’amour est une préoccupation naturelle à satisfaire pour le métropolitain. Le métropolitain est satisfait tant qu’il baise. La boite de nuit est le lieu de la chasse, où l’on trouve une baise. Il aime être baisé, le travail le baise au quotidien et il aime ça. Le métropolitain est le parfait amant, doux et sauvage à la fois, il est lui-même une police des mœurs, le métropolitain est safe. Le célibat est le seul statut social désirable, le métropolitain à tant d’amour à vendre. Le métropolitain n’aime pas, il aime être aimé.

Le métropolitain sait ce qu’il veut dans le détail pour vouloir quoi que ce soit en général. Il planifie tous ses désirs et ses rapports. L’imprévu est une erreur à corriger comme la taille des seins de sa partenaire. Le métropolitain est un comptable du sexe, il n’y a pas d’expérience, il y a que des statistiques sexuelles. Il n’y a pas d’attachement entre les êtres pour le métropolitain il y a des rapports médiés par une interface. Le métropolitain ramène toute grandeur au niveau de ses couilles.

Métropolitain self-made jouit et nourrit son narcissisme par l’utilisation tous les appareils de la modernité. Le métropolitain ne fait pas des gestes, mais émet des signaux. La parole d’un métropolitain n’a pas de valeur, seule compte ses textos. Le métropolitain n’a pas d’âme, il fait des jeux d’esprit. L’amitié du métropolitain n’est qu’affaire de nombres d’abonnés. Le métropolitain désire la solitude, car il est seul face à sa femme.

Le métropolitain défend l’écologie, car il faut bien défendre le nucléaire. La nature est pour lui quelque chose d’incroyablement magnifique surtout si elle est parquée. Le métropolitain est un matérialisme de la virginité. La fin du monde n’est qu’une esthétique des années 80 un peu cheap, mais toujours aussi cool. Le métropolitain ne vit qu’à travers sa finitude annoncée. Le métropolitain habite le néant, il trouve cela confortable.

Le métropolitain déteste être gouverné, tant qu’on lui dit qu’il est libre. Son capital politique lui permet d’être un révolutionnaire tout en étant bien heureux d’être un social-démocrate ou biodémocrate. Tant qu’il y a de la démocratie il y a du métropolitain.

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