Un mouvement très important se développe en Corse, et il est nécessaire que l’opinion française et internationale en soit mieux informée, au moment où la tentative d’assassinat d’Yvan Colonna doit nous conduire à voir, non à oublier, la profondeur de la brutalité de l’État et de la justice.
De plus en plus nombreux, des Corses sont réprimés par la brutalité policière, pour s’être refusés à l’horreur survenue à Yvan Colonna. Cette révolte part d’un bon sentiment de vengeance, de l’envie de montrer à l’ennemi qu’on ne détruit pas un homme sans en subir les conséquences. Telle est la mélodie de cette révolte. Pour les Corses, cette révolte poursuivie par des moyens insurrectionnels est sans équivoque. C’est une révolte d’indépendance. Elle révèle une nouvelle fois le caractère salutaire d’une vengeance par les éclats symphoniques de la révolte, la joie de tenir en respect l’ennemi, de leur rappeler qu’ils ne sont pas les bienvenus ici-bas.
À ce sérieux du peuple corse, et comme en miroir, répond le mépris des gouvernants et des gestionnaires, leur mépris sans limites, et ceci est leur forme de sérieux propre, c’est le sérieux des gouvernants. C’est aujourd’hui principalement le sérieux de la police qui s’échine à maintenir l’ordre, à maintenir la terreur sur corps, sur la joie, sur la tristesse, sur tout sentiment qui déborde l’existence moribonde de cette tyrannie. L’État crache chaque jour sur l’histoire des vaincues, pour brandir son insignifiant grand récit. C’est dans ces conditions que beaucoup en sont venus à remettre en cause le sens des valeurs et des obligations de ce grand récit. Nous n’appartenons pas à ce grand récit, nous appartenons à d’autres mots, à un autre langage qui prendre consistance dans des bifurcations historiques, c’est-à-dire nous expérimentons une autre histoire. En prendre acte, c’est ne rien attendre d’un quelconque gouvernement qu’il soit de gauche ou de droite et de toutes leurs nuances insipides. On se bat aujourd’hui contre un monde.
Une certaine sensibilité s’est trouvée posée dès le début de la révolte. Celle-ci se prolongeant, il est normal que cette sensibilité se soit résolue concrètement dans des gestes toujours plus nombreux d’insoumission, de désertion, aussi bien que de protection et d’aide aux insurgés corses. Mouvements libres qui se sont développés en marge de tous les partis officiels, sans leur aide et, à la fin, malgré leur désaveu. Encore une fois, en dehors des cadres et des mots d’ordre préétablis, une résistance est née, par un sentiment commun, cherchant et inventant des formes d’action et des moyens de lutte en rapport avec une situation dont les médias dans leur ensemble et en accord avec le récit de l’État, se sont entendus à ne pas en reconnaître le sens et les exigences véritables.
Considérant que chacun doit se prononcer sur des gestes qu’il est désormais impossible de présenter comme des faits divers de l’aventure individuelle, considérant qu’eux-mêmes, à leur place et selon leurs moyens, ont un sentiment éthique d’intervenir, non pas pour donner des conseils aux hommes et aux femmes qui ont à se décider personnellement face à des problèmes aussi graves, mais pour demander à ceux qui les jugent de ne pas se laisser prendre à l’équivoque des mots et des valeurs, déclarent : Nous respectons et jugeons justifié soutenir par quelques moyens que soi la révolte du peuple corse.
Nous respectons et jugeons justifiée la conduite de toutes personnes qui estiment depuis leur sensibilité la nécessité d’apporter aide et protection aux Corses opprimés au nom du peuple français.
La cause du peuple corse, qui contribue de façon décisive à ruiner un système colonial, injuste et destructeur est la cause de tous les hommes et femmes libres.