Du-pèr
pas tout à fait dupe
qu’on pourrait décrire ainsi
le père Du-pèr
semblable à plein
dès ses débuts
d’enfant Du-pèr
quelque chose disait
depuis l’en dehors-lui
« vient voir martine
c’est le petit du père Du-pèr
qui c’est encore perdu »
le petit Du-pèr deviendra vite
le père Du-pèr et peut-être bien
le tit-père Du-pèr
comme on dit
le père Du-pèr était
le fils dit du père-silence
lui-même fils du père-Passé
mari de Mère-cassé
et c’est dans le silence
que l’aîné Du-pèr
s’est en partie construit
défait
s’en est allé
le jeune Du-pèr disait
que le silence en père
n’était pas tout dit,
que l’absence dans le dit
n’était pas pour rien
que le retrait du dit
venait sûrement d’autres temps,
mais le dit tue
« ne doit pas toujours être excusé »
c’est ce que se disait le père Du-pèr
passer l’éponge
sur une absence
n’absorbe rien du manque
qu’il a bien fallu oublier
maintenant,
chaque mot devra être tiré
de son piège d’autorité
en forme de phrase ou non
pour servir de matériaux
à déplacement
père Du-pèr avait bien compris
malgré ce qu’on disait autour
le fond de l’absence dite du père-silence
de son père-Passé à lui
de la Guerre-forcée
des autres avant autant
perdus de ses paires
il en faisait des sacs
dans son nœud de tête
et c’est tout le passé enclavé
qui se passait
de silence en silence
colporté
les yeux peuvent bien
tout dire se disait-il taiseux
le père Du-pèr qui du père
avait malgré lui hérité de rien
c’était déjà beaucoup
que de se dire
la désorientation présente
n’était qu’une juste vue
sur le futur qui chaque jour
pointait le bout de son nez
c’était déjà beaucoup
que de se dire
d’ailleurs jamais d’ici
le père Du-pèr
avait bien compris
qu’il allait devoir se cogner
contre le jamais reproduit
une attention permanente
c’était son souhait
faire gaffe qu’il pensait
à ne pas refaire
ce qui n’avait pas été fait
le père Du-pèr faisait donc
tout ce qu’il aurait aimé
ou plutôt
tout ce qu’il pouvait
pour dire sans dire
qu’il aimait
il avait flanqué trois roustes
invisibles aux générations
qu’il avait su quitter
un jour d’émeute à porte claquée
toute la flanque et toute la claque
se devait d’être partagée
à toute l’interminable chaîne
des pères Du-pèr qui
ne l’étaient pas tout à fait
qui aux lieux de maquis
de temps en temps
se retrouvaient
il fallait porter le temps
comme ça
en écharpe tout contre soi
le temps chaud qui cherchait repos
le temps qui faisait ses dents
le temps et ses yeux profonds
traversant les âmes et sans paroles
le temps qui à peine né
convoquait déjà l’univers
de sa présence toute entière
le temps qu’il fallait nourrir
le temps qu’il fallait aimer
le temps pour qui le père Du-pèr
allait donner de sa présence
le père Du-pèr
ne voguait ni ne vaquait
fait d’un chaînon pas-le-choix
et d’un cœur gros qui manquait
de place
le gars Du-pèr était commun
c’était ça sa commune
Du-pèr ne comptais pas le temps
dans l’espace qui manquait pour parler
que ce soit à la vaisselle à la cuisine
au marché au ménage aux couchés
aux courses aux factures aux bordés
aux corvées aux cordées aux fêlures
aux champs ou au front
le Du-pèr n’était ni Charlie ni pénard
en formation contre le vieux monde
qu’il aurait bien aimé tout faire sauter
tous les matins se recommencent
ce qui avait tendance à l’agacer
puis quand c’est la joie qui le tenait
fallait qu’une chose l’écrase
pour commencer
c’était foutu pour la journée
va-t-en-guerre contre le passé
Du-pèr soignait ses journées
père Du-pèr et du pire comme du meilleur
avait grandi dans les pas du pas pareil
et qu’il avait bien dû s’y parfaire
Du-pèr était sourcier de vues
grutier de fuites
fidèle assigné
à la classe impossible
était un perfectionniste
de l’interruption
les Du-pèr sur terre
ne se reconnaissaient pas
les uns les autres
tous le du-pèr de l’autre
qu’ils avaient acquis
à se mettre de côté
et plus ça se multipliait
plus c’était rare d’être un du-per
allez savoir
allez-y voir
si ça court les routes
les nuits du père Du-pèr
étaient de plus en plus claires
ses angoisses trop près du mur
et ses souvenirs du pissera moins
faisait de ses pleurs contenus
les seuls fantômes
du monde en manque
Du-pèr eu à son tour
des fils de veilles
grandis du mieux possible
petits temps qu’ils sont
petits temps qui poussent
était advenu
le temps du père-présent
cette ère dure qui permis
mine de rien
la survie tout court
contre le néant
quatre grands yeux
de plus s’ajoutèrent
au fond de cœur
du père Du-pèr
si ce n’est plus
yeux guides
guidons de vies
joignent l’acte à l’acte
et l’acte encore
les Du-pèr chercheurs
d’écarts plus que d’or
étaient habités par le monde
des mondes qu’ils habitaient
partout ils le traînaient
et l’inverse avec
les Du-pèr caste impure
frayaient leur chemin
entre les débris des affairés
beaux comme des révoltes
et des rues mal embouchées
C’est ainsi que débutant
l’histoire Du-pèr sans fin
Justin Delareux