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Le communisme des esprits
Communismus der Geister

Eugène et Lothaire          Thibaut et Oscar

ESQUISSE

Coucher de soleil. Chapelle. Une contrée vaste et riche. Fleuve. Forêts. Les amis. Seule la chapelle est encore dans la lumière. On en vient à parler du Moyen Âge. Les ordres monastiques considérés dans leur signification idéale. Leur influence sur la religion et, en même temps, sur la science. Ces deux orientations se sont séparées, les ordres religieux se sont effondrés, mais est-ce que des institutions du même genre ne seraient pas souhaitables ? Afin de démontrer leur nécessité pour notre temps, nous partons précisément du principe opposé, de la généralisation de l’incrédulité. Cette incrédulité se rattache à la critique scientifique contemporaine, qui a pris de l’avance sur la spéculation positive. Rien ne sert de se lamenter à ce propos, il s’agit de faire quelque chose. Il faut, ou bien que la science anéantisse le christianisme, ou bien qu’elle ne fasse qu’un avec lui, car il ne peut y avoir qu’une seule vérité. Il s’agirait donc de ne pas laisser la science tomber dans la dépendance de circonstances extérieures, et, confiant en cette unité que souhaitent et que pressentent tous ceux qui connaissent et qui aiment l’humanité, de lui ménager une existence indépendante, digne et majestueuse. Séminaires et académies en notre temps. La Nouvelle Académie.

Une belle soirée touchait à sa fin. La lumière, en s’en allant, semblait ramasser encore toutes ses forces pour jeter ses derniers rayons d’or sur une chapelle qui s’élevait, dans une charmante simplicité, au sommet d’une colline couverte de prairies et de vignes. L’éclat de la lumière n’atteignait plus la vallée, au bas de la colline, et le bruissement des vagues signalait seul’la proximité du Neckar qui, à mesure que la mélodie du jour expirait, élevait d’autant plus le murmure de sa voix pour saluer la venue de la nuit. Les troupeaux étaient rentrés. Un animal sauvage n’osait que rarement se glisser avec timidité hors de la forêt pour chercher sa nourriture à l’air libre. La montagne était encore dans la lumière. Tout cela baignait dans un esprit de quiétude et de mélancolie.

« Lothaire » — ainsi commença l’un des deux jeunes gens qui, du parvis de la chapelle, avaient contemplé ce spectacle pendant un certain temps, et qui, maintenant, s’étaient un peu éloignés de cet endroit pour dire adieu au dernier rayon du soleil qui touchait le toit de l’église — « Lothaire ! Est-ce que tu ne te sens pas étreint, toi aussi, par une douleur secrète quand l’œil du ciel est ainsi enlevé à la nature, et qu’alors la vaste terre se trouve là comme une énigme dont il manque le mot ? Voici que la lumière s’en est allée et déjà les fières montagnes s’enveloppent d’ombre, elles aussi. Cette absence de mouvement suscite l’angoisse, et le souvenir de la beauté passée devient comme du fiel. J’ai éprouvé cela des centaines de fois, lorsqu’il me fallait quitter le libre éther de l’Antiquité pour revenir à la nuit du présent : je ne trouvais de salut que dans la résignation, qui est la mort de l’âme. I1 y a un sentiment qui vous torture, au souvenir de la grandeur disparue, et on est là comme un criminel, devant l’histoire. Plus on a revécu celle-ci profondément, plus on est violemment bouleversé en s’éveillant de ce rêve : on voit un abîme entre ici et là-bas, et moi, du moins, toutes ces choses qui furent si belles et si grandes, je suis obligé de les tenir pour perdues, pour perdues à jamais. Regarde cette chapelle : comme il était formidablement puissant l’esprit qui la créa, avec quelle force il dompta le vaste monde ! I1 couronna la colline paisible avec ce sanctuaire pacifique, dans la vallée il installa son monastère, et dans le tumulte de la ville il édifia sa majestueuse cathédrale. Des milliers d’hommes lui étaient soumis et, apôtres de cet esprit, ils allaient çà et là, vêtus de cilices, pauvres, privés de ce que la terre produit de plus délicat, et ils agissaient. Mais je n’ai pas besoin de te raconter tout cela, tu connais l’histoire du monde. Et qu’est-il advenu de tout cela ? Comprends-moi bien : la question ne concerne pas ce que ce siècle-là nous a transmis. Ma question ne concerne pas le matériau mort, mais plutôt, si tu veux, la forme dans laquelle cela s’est produit, cette énergie et cet esprit de cohérence qui semblaient se perdre dans l’infini et qui pourtant savaient mettre en accord avec le centre ce qui paraissait même le plus éloigné, et maintenait fermement dans chaque variation le ton de la mélodie originaire, La forme, prise en ce sens, est sans doute la seule chose qui, dans notre situation, puisse nous fournir un point de comparaison, car le matériau n’est jamais que quelque chose de donné. Mais la forme est l’élément de l’esprit humain, c’est la liberté qui y opère comme loi, et la raison s’y actualise. Et alors, compare donc ce temps-là avec le nôtre : où trouveras-tu une communauté ? Où est le pont qui nous permettrait de recevoir, de ce pays lointain, tant de choses magnifiques ? Où est passé cet esprit pieux et puissant qui a construit les églises, fondé les ordres religieux, et tout cela comme d’une seule coulée ? Cet esprit qui, d’un point central, s’éleva au-dessus du monde de cette époque et qui soumit tout à son intelligence et à la force de sa foi ?

ESQUISSE

Chez nous, tout se concentre dans le spirituel, nous sommes devenus pauvres pour devenir riches.

Vieux monde

1) Monarchie, Grèce ; ensuite, Rome.

Moyen Âge

2) Monarchie constitutionnelle.

Temps modernes

3) République.

ad 2) Nations différentes Une Église, auec un pape.

ad 3) Sacerdoce universel, le protestantisme comme prologue.

Johann Christian Friedrich Holderlin

Traduction J. D’Hondt
[L’Herne Hölderlin]

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