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Comment tout a commencé

Le texte suivant est initialement paru en allemand à la mi-décembre 2023 dans le numéro 0 de la Neue Berliner Illustrierte Zeitung, journal de rue berlinois placardé sur les murs de la métropole, vendu par les clochards et en kiosque pour 2 euros. Il a été presque immédiatement traduit en espagnol, en anglais, en grec et certainement dans d’autres langues que nous ignorons. Il semble que l’état du débat public ait atteint en France un degré de raffinement, d’intelligence et d’exigence de vérité si élevé qu’il n’a jusqu’ici pas semblé utile d’y ajouter cette modeste pièce, en la traduisant, par exemple. La lucidité reste manifestement dans ce pays « la blessure la plus proche du soleil » – ce doit être pour cela que c’est finalement une revue de poésie, Pli, qui, dans son quinzième numéro désormais disponible en librairie, a pris l’initiative de la traduction, et non quelque organe à prétention politique ou philosophique. Bonne lecture !


Comment tout a commencé
— Thèses de Strasbourg —

Si donc nous avons été vaincus, nous n’avons rien d’autre à faire qu’à recommencer depuis le début.
La période de repos, qui nous est accordée entre la fin du premier et le début du second acte du mouvement, nous donne, heureusement, le temps pour une partie vraiment nécessaire de notre tâche : la recherche des causes qui ont irrésistiblement déclenché le dernier soulèvementet en ont, en même temps, amené l’échec.
Engels, Révolution et contre-révolution en Allemagne (1851)

1.

Cette société n’a trouvé, dans son effondrement intérieur, de meilleur tour à jouer à ses opposants que de leur emprunter sa nouvelle morale de substitution. Au dernier quartier du nihilisme, c’est donc dans les termes de l’écologie, du féminisme et de l’antiracisme que s’exprimera l’oppression. Les fascistes ont beau jeu, par contrecoup, de se présenter comme les véritables partisans de la liberté, de la démocratie, de l’alternative contre-hégémonique et, pour finir, de la révolution.

2.

Voici venu le temps du féminisme Barbie et de la gauche Pfizer, des anarchistes procensure et des autonomes pro-OTAN, de l’horizontalisme autoritaire, du nucléaire vert et du stalinisme vaccinal, des bombardements pour les droits des LGBTQIA+ et de l’antipape – le pape qui, en matière de migrants, d’écologie, de critique du capitalisme, de la guerre ou de la hiérarchie, renvoie le gauchisme à son inanité en le renvoyant à son origine.

3.

Rien n’est plus sérieux, et plus sérieusement contemporain, que la théologie. L’ignorance théologique est ce qui permet à celle-ci de perpétuer son règne, sous couvert de politique, d’économie, de science, de philosophie, de littérature voire de vie quotidienne. Pour dépasser la théologie, il faudra dépasser l’ignorance de celle-ci. Athées, encore un effort si vous voulez être révolutionnaires !

4.

« Maintenant on assiste à une véritable manie de consécration du féminisme, la société allant jusqu’à adopter une attitude de promotion… Les modes en sont multiples et sournois et, tout en ne le voulant pas, on risque d’y tomber et de se faire piéger. Le besoin de reconnaissance propre aux femmes se trouve sollicité par un climat d’intérêt et des opportunités pratiques. La société s’est mise à accepter les prémisses du féminisme sans saisir l’évolution qui clarifie ces prémisses mêmes. Elle voit dans le féminisme une idéologie, autrement dit un pouvoir, et comme tel elle le respecte parce qu’il confirme – au lieu de mettre en crise – ce que nous voulons par contre subvertir. » (Carla Lonzi, Écrits, voix d’Italie, 1977)

5.

« Le grand danger serait de substituer au mythe des classes ouvrières porteuses de l’avenir des valeurs, celui d’une défense de l’environnement, d’une sauvegarde de la biosphère qui peut tout autant prendre un caractère totalement totalisant, totalitaire (…) L’industrie ne demande pas mieux que d’utiliser le mouvement écologiste comme elle a utilisé le mouvement syndical pour sa propre structuration du champ social. (…) Le mouvement écologique devrait donc, à mon sens, se préoccuper en priorité de sa propre écologie sociale et mentale. » (Chimères n28, Félix Guattari, 1991-1992)  

6.

Le mouvement ouvrier a été défait pour avoir critiqué la société bourgeoise dans son propre langage – celui de l’économie. Il se trouve à présent des hurluberlus pour prétendre défier la société cybernétique dans son propre langage – celui de l’écologie. Si cette société couvre ces activistes d’un œil si bienveillant, c’est qu’ils entendent bien nous emporter vers semblable défaite.

7.

L’écrivain de science-fiction écologiste Kim Stanley Robinson déclarait récemment : « Je rencontre beaucoup de technocrates, et il y en a qui aimeraient qu’il y ait beaucoup plus d’activisme. (…) Entre les technocrates, les activistes et les actions de masse des citoyens, une synergie et des alliances sont possibles. » Nul ne s’allie à plus fort que soi sans s’en faire, consciemment ou non, le vassal. Agir gouverné par son inconscient n’a jamais constitué une excuse.

8.

Les activistes de l’écologie viennent épuiser les dernières ressources subjectives en les mobilisant en pure perte contre ceux qui « épuisent les ressources naturelles ». Tout comme leurs « ennemis », ils ne se soucient guère de la façon dont se forment et se reconstituent de si précieuses ressources – de courage, d’enthousiasme, de confiance, de savoirs. C’est en tant qu’extractivistes à leur manière qu’ils aspirent à être reconnus comme interlocuteurs de niveau égal par l’autre mafia de l’extr/activisme.

9.

L’écologie est le nom d’un problème, en aucun cas d’une solution. Quand c’est une civilisation qui défaille, quand, donc, c’est la façon dont nos problèmes sont configurés qui devient elle-même problématique, il n’y a nulle part de « solution ». « Les écologistes nous enseignent pourquoi et comment l’avenir de l’homme est en jeu. Mais c’est à l’homme et non à l’écologiste qu’il appartient de décider de son avenir. » (Georges Canguilhem, La question de l’écologie, 1973)

10.

Le discours du progrès a permis au Capital de surmonter toute résistance intérieure aux ravages que supposait la modernisation. Sa fonction était bien moins affaire de légitimation que de désinhibition. Il servait moins à des fins de conviction extérieure qu’intérieure. Son rendement est à présent quasi nul, voire négatif. À juger de ses résultats, nul ne peut plus croire au progrès. C’est paradoxalement le discours écologiste qui a pris le relais. Avec sa bioéconomie et son green new deal, c’est dans l’écologie que le Capital va désormais chercher la force de continuer à faire ce qu’il a toujours fait – mobiliser, exploiter, ravager, massacrer, produire. Le discours écologiste n’est pas ce en dépit de quoi tout continue comme avant, mais ce qui autorise la perpétuation du business as usual et l’approfondissement du désastre. C’est donc au nom de l’écologie que nous aurons, à l’avenir, les biotechnologies, le nucléaire et la géo-ingénierie.

11.

Le dernier moyen que l’on ait trouvé pour faire taire les femmes, c’est de ne les autoriser à parler qu’en tant que « nous, les femmes ». L’antiféminisme s’accomplit comme féminisme exactement de la même manière que l’anti-écologisme s’accomplit comme écologisme.

12.

L’état social présent est un état hallucinatoire. Les catégories de la psychopathologie sont devenues les meilleures catégories de l’analyse politique ; il suffit d’aller les chercher ailleurs que dans le DSM. Le règne proprement orwellien, en toutes choses, du mensonge n’est pas un mal, mais une maladie.

12 bis.

Le nihilisme contemporain exprime sur le plan existentiel cette situation matérielle ordinaire : un état de dépendance omnilatérale aux infrastructures du Capital. Il n’est jamais sain de tenir, jour après jour, sa vie des mains de son bourreau.

13.

Le symptôme est l’issue d’un état de souffrance sans issue. Celui qui ne trouve nulle part dans l’Histoire qu’on lui raconte le fil qui amène au monde dans lequel il est né ne peut trouver le fil de sa propre vie. « Les pères ont mangé des raisins verts ; et les enfants en ont les dents agacées. »

14.

Il y a ceux qui font l’histoire, et ceux qui la racontent. Ceux qui font l’histoire savent que ceux qui la racontent mentent, mais ce mensonge est aussi la condition, pour eux, de pouvoir continuer à la faire, sans encombre.

15.

« Ce sont des militaires russes, en Russie soviétique, qui ont appris aux Allemands la tactique de la guerre de chars grâce à laquelle ils submergèrent la France lors de la Seconde Guerre mondiale ; ce sont également des cadres soviétiques qui instruisirent les premiers pilotes d’assaut allemands, qui devaient constituer une telle surprise au début de ce même conflit. » (Franz Jung, Le chemin vers le bas) En août 1936, soit après le déclenchement de la guerre civile espagnole, la totalité du Comité central du parti communiste italien signe un appel « pour le salut de l’Italie et la réconciliation du peuple italien ». On y lit : « Les communistes adoptent le programme fasciste de 1919, qui est un programme de paix, de liberté, de défense des intérêts des travailleurs, et vous disent : luttons ensemble pour la réalisation de ce programme ». Débrouillez-vous avec ça !

16.

Il n’y a jamais eu aussi peu d’êtres à parler en leur nom propre que dans cette société du narcissisme généralisé. C’est par l’ego que la magie sociale te tient. Opérer au-delà de l’ego ne forme aucunement une injonction morale, mais une condition stratégique.

17.

Au fond, l’activisme est de nature essentiellement thérapeutique. Si l’on met de côté les remous médiatiques passagers qu’il peut occasionner, il n’a d’autre efficace que celle de permettre à l’activiste de « se sentir mieux avec soi-même », de lui procurer le sentiment distinctif de n’être pas « comme tous les autres » – cette masse passive d’abrutis et de salauds anesthésiés. Chez l’activiste, prétendre agir « pour les autres », « pour la planète », « pour le bien », n’est qu’une modalité retorse du narcissisme et de l’autopromotion universelle. Dans ce commerce d’indulgences, il ne fait que travailler, sous couvert de motifs génériques et généreux, à son avancement moral individuel.

18.

C’est dans les termes de la théorie des jeux qu’a été ingénié le mélange de coopération et de compétition, d’information et de dissimulation, de pacification et de guerre, de rationalité limitée et de pure démence, d’individualisme forcené et d’injonctions sociales qui tissent la présente société impériale. L’endroit de la Californie où cette théorie a été développée n’est pas sans raison le lieu même où ont été conçus par la suite tous les dispositifs cybernétiques individualisés dont elle constitue le code fondamental. À la question « qu’appliquent les applications ? », la réponse est simple : la théorie des jeux.

19.

Les concepteurs de la théorie des jeux, dans les années 1950, à la cafétéria de la Rand corporation où ils travaillaient, avaient pour loisir de s’adonner à un jeu de société de leur invention ; son titre était « Fuck your buddy ! ». « Fuck your buddy » est la morale implicite de tous les rapports sociaux actuels – affectifs comme professionnels, amicaux ou commerciaux, virtuels ou quotidiens. Il n’y a rien de moins ludique que la gamification universelle. Il n’y a pas jusqu’au nombre d’« amis » qui ne soit devenu un terrain de compétition, et donc la sympathie un moment de l’hostilité générale.

20.

Les fictions sociales sont par nature efficaces. La fiction ancienne faisait l’homme propriétaire de sa force de travail et la vendant au propriétaire des moyens de production. Le sujet humain y restait libre jusque dans sa soumission et souverain jusque dans l’aliénation de son temps et de ses forces. Sa dignité, son intégrité étaient posées de toute éternité, quand bien même elles seraient bafouées tous les jours. C’était le sujet de l’humanisme classique, dont juristes et militants ne nous entretiennent jamais sans un pincement de cœur nostalgique, mais dont ils ne peuvent reconnaître la parfaite péremption en fait de fiction sociale. Celle qui prévaut désormais est celle du capital humain. Le sujet du capital humain se définit comme l’agrégation de son capital social, de son capital santé, de son capital relationnel, de son capital culturel, de son capital cheveux, etc. En aucun cas, il n’est le propriétaire du capital qu’il est. Il est son capital social, son capital santé, son capital relationnel, son capital culturel, son capital réputationnel, son capital cheveux, etc. Et ce ne sont pas là choses qu’il peut louer, aliéner, mettre à disposition d’autrui sans les perdre dans l’instant, sans se perdre. Il n’en est que plus jaloux. Ce ne sont pas non plus des choses qui existeraient en soi, en dehors des interactions sociales qui les font exister et qu’il importe donc de multiplier autant que possible. Ces capitaux sont des capitaux fondants, comme il y a des monnaies fondantes : ils ne sont qu’à être activés, entretenus, accumulés, chéris, maximisés, bref : produits à tout instant et dans toute interaction – guettés qu’ils sont par leur dévalorisation. Le sujet du capital humain, serviteur du capital qu’il est bien plus que maître de soi, entrepreneur de lui-même bien plus que propriétaire serein de sa personne, ne connaît donc que des interactions stratégiques dont il s’agit d’optimiser l’issue. La théorie des jeux, dans laquelle aucune feinte, aucun mensonge, aucune trahison ne sont de trop pour parvenir à ses fins, est la théorie de ce « sujet » d’une précarité absolue, d’une obsolescence programmée et d’une inconsistance telle qu’il peut être cancelé au moindre faux pas, au gré des mouvements imprévisibles de l’opinion et des codes en vigueur. Avoir fait de l’animal humain ce centre de calcul vide, frénétique et angoissé, telle est la mutation anthropologique que sont venus couronner les réseaux sociaux.

21.

Maîtresse particulièrement jalouse, cette société accueille comme une touchante marque de loyauté chaque fois qu’un de ses membres consent, pour elle et ses « valeurs » faisandées, à trahir un ami, un proche, un parent. Ce qui s’avance, derrière le rituel médiatique de la confession publique, c’est une société de la trahison – une société où la trahison réciproque, c’est-à-dire sa possibilité de chaque instant, vaut comme nouveau pacte social. Toute la parrhésia qui se déverse sur le public est celle qui n’a pas lieu dans les relations qu’elle met en cause, et qu’elle renvoie par son fayotage à leur spectralité définitive.

22.

L’alignement idéologique impératif requis des citoyens lors de l’opération Covid – suivie de l’opération Ukraine, de l’opération Climat et de l’opération Palestine – a été l’occasion de la sorte de révolte des médiocres qui accompagne toujours la fascisation des sociétés.

23.

Le fascisme a déjà gagné quand tous ont renoncé à penser l’« épisode Covid ». Chacun a bien vu alors ce que valait la « culture », et comme tous ces « intellectuels critiques » étaient plus attachés à leur statut social qu’à leur pensée. Le mépris de la culture et de l’intelligence, c’est toute cette gauche zombie qui l’a scellé par son mutisme complice, bien avant que les fascistes ne viennent la fouler aux pieds.

24.

Ceux qui prétendent qu’il y aurait quelque part une force constituée, un mouvement donné sur quoi appuyer la possibilité d’une révolution, ou seulement à même de faire pièce aux menées gouvernementales, ne font pas que s’abuser et abuser. En occupant ainsi le terrain, ils font écran à ce qu’émerge quelque chose de neuf, à même de se saisir de l’époque et de lui tordre le cou.

25.

La nécessité d’halluciner l’existence d’un mouvement provient de ce que, pour un certain nombre de paumés, cette fiction tient lieu de consistance sociale : ils « en seraient ». Il est en effet courant, quand on ne sait pas ce que l’on veut, d’en venir à vouloir exister – et donc, fatalement, à y échouer, puisqu’exister ne peut résulter d’une volonté. Certains ont manifestement cru que l’on pouvait appliquer à la révolution la consigne « fake it until you make it », qui réussit si bien à l’économie des start-ups.

26.

À mesure que les réseaux sociaux ont capté l’essentiel de l’existence sociale et de la valorisation qui s’y attache, les militants radicaux se sont insensiblement ramenés à un sous-secteur marginal desdits réseaux, qui les a à peu près intégralement subsumés. L’impossibilité, et le caractère finalement superflu, de disposer d’une stratégie effective en découle logiquement. Dorénavant, les mouvements sociaux sont d’abord là comme support pour l’existence individuelle des militants sur les réseaux sociaux. Si ces mouvements ne mènent nulle part, s’il importe si peu qu’ils débouchent sur une victoire ou sur une défaite, c’est qu’ils accomplissent déjà amplement cette fonction suffisante.

27.

La raison d’être de l’action n’étant, chez l’activiste, que relative aux images que l’on en pourra produire, et plus encore à l’exploitation politicienne de ces images, il n’y a pas à se scandaliser de l’aberration stratégique ou du je-m’en-foutisme tactique desdites actions. L’efficacité véritable de l’action réside en dehors d’elle-même, dans les effets de bord médiatiques qu’elle doit autoriser. De ce point de vue, un blessé grave n’est pas nécessairement une perte, et une défaite à plate couture peut aussi bien devenir un franc succès, si du moins l’on n’est pas trop sensible à la souffrance des martyrs.

28.

Le triomphalisme déplacé, suivi du mutisme sur la défaite une fois celle-ci consommée, marque, chez les activistes comme chez les syndicalistes, l’une des formes les plus perverses que prend, à gauche, l’amour de la défaite. La célébration de victoires inexistantes vient opportunément masquer la reculade finale ou, le plus souvent, l’absence complète de stratégie. Il faut considérer, sans paradoxe aucun, que les véritables défaitistes sont ceux qui, toujours positifs, ne cessent d’applaudir et de se féliciter. Et que c’est ceux qui critiquent sans complaisance « le mouvement » qui témoignent le plus nettement de leur refus d’être défait bêtement, et par là de leur détermination à l’emporter.

29.

Il y a ceux qui veulent vaincre, et ceux qui veulent être reconnus – c’est-à-dire ceux qui considèrent comme une victoire d’être reconnus. La victoire véritable ne se rapporte pas à l’ennemi, mais à la possibilité, dans la foulée de succès tactiques, de déployer ses propres plans. Encore faut-il en avoir.

30.

La façon dont soudainement, lors du coup du monde dont le Covid a été l’occasion, il n’y avait plus personne face au gouvernement supporte cette autre hypothèse : que tout le monde est ailleurs.

31.

Il n’y a pas de privilège de la conscience politique. Nul ne s’est avéré plus abusé, ces dernières années, que ceux qui se croient « politisés ». Nul n’a été plus stupide que les gens « cultivés ». C’est partout ailleurs que parmi les gens « politisés » qu’il faut chercher ceux avec qui nous ferons la révolution – ceux-là ont trop de capital social à perdre pour n’être pas stupides et lâches.

32.

Vous n’aurez plus de nos nouvelles, ou seulement par accident. Nous désertons votre espace public. Nous passons du côté de la réelle construction de forces, et de formes. Nous passons du côté de la conspiration, du côté du conspirationnisme actif. We are « exiting the vampire’s castle ». See you on the outside !

33.

Croire assez à ce que l’on pense pour ne pas le dire. Croire assez à ce que l’on fait pour ne pas en entretenir le public. Laisser aux chrétiens, et aux gauchistes, le goût publicitaire du martyr.

34.

Il n’y aura que ce que nous construirons. C’est précisément parce qu’il n’y a personne à sauver qu’une révolution est si nécessaire. La question politique centrale du XXIe siècle est de savoir comment constituer des réalités collectives non fondées sur le sacrifice.

35.

« C’est depuis là que nous voulons contribuer à créer, comme un front d’ondes collectif, les conditions pour un changement culturel éthique qui nous sorte du piège de la cohabitation culturelle actuelle centrée sur des relations de défiance et de contrôle, de domination et de compétition propres à la culture patriarcale-matriarcale que nous entretenons pratiquement sur toute la planète. » (Humberto Maturana & Ximena Davila, Habitar Humano)

36.

Ceux qui ont gagné la guerre n’ont que le mot de « paix » à la bouche. Ceux qui se sont tout approprié ne parlent que d’inclusivité. Ceux qu’anime le dernier cynisme ne sont qu’injonction à la bienveillance. Ils ont même réussi ce miracle de convertir à ces « valeurs » à peu près tout ce que le monde contient de gauchistes et de militants. C’est ainsi qu’ils sont parvenus à refouler jusqu’à la possibilité d’une révolution. Et en effet, les vainqueurs sont bien placés pour savoir qu’il n’y a pas de révolution inclusive, vu qu’elle consiste minimalement en leur exclusion violente. Pas plus qu’il n’y a de révolution bienveillante ou écologique – sauf à considérer que brûler des palais, affronter des forces armées ou saboter de grandes infrastructures le serait. « Seule la violence aide là où la violence règne », disait Brecht. La paix, pour les vainqueurs, n’est que l’éternité de leur victoire.

37.

Les connards usent de toutes les idéologies humanitaires possibles pour proscrire tout partage net au sein de l’humanité, qui serait évidemment à leur désavantage. Nous sommes les militants d’un monde sans connards. Cela nous semble un programme à la fois minimal, cohérent et satisfaisant.

38.

Apprendre à reconnaître les connards, et pour commencer admettre leur existence, est à la naissance de notre force : l’analphabétisme et l’indifférentisme en matière éthique sont évidemment à l’avantage des connards.

39.

Le Parti se renforce en s’épurant de ses éléments opportunistes, nihilistes, sceptiques, covidistes, pervers, narcissiques, postmodernes, etc.

40.

On ne peut composer une véritable puissance collective qu’avec ceux qui ont cessé d’avoir peur d’être seuls.

Novembre 2023
Moses Dobruška

Retrouvez cet article en version papier dans le quinzième numéro de la revue PLI.

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