Un texte de Françoise Proust
À suivre son cours naturel ou son destin, toute action survient à la fois trop tôt et trop tard : trop tôt pour intervenir efficacement dans l’histoire et infléchir sa direction, et trop tard pour rattraper les chances manquées et corriger la courbe. Tout présent se dédouble et se résume en faux passé et mauvais présent. Il serait vain de vouloir forcer cette contre-temporalité de l’action, en prétendant vouloir trouver, à la manière libérale ou révolutionnaire, un nouveau type d’action qui serait, lui, « à temps ». Qu’on la pense comme « convenable », du seul fait qu’elle favorise le libre commerce des personnes et des biens, ou « juste », du fait qu’elle coïncide avec le sens de l’histoire, toute action supposée d’avance « à temps » succombe, sans le savoir, à la loi du temps, et cela de la pire manière. Elle l’accomplit soit cyniquement soit naïvement. Mais il serait tout aussi illusoire de chercher une échappatoire dans la temporisation.