Un texte de Georg Lukács
Le drame est un jeu, un jeu de l’homme et du destin, un jeu dont Dieu est le spectateur. Il n’est que spectateur, jamais sa parole ou ses gestes ne se mêlent aux paroles ou aux gestes des acteurs ; ses yeux seuls sont fixés sur eux. « Qui regarde Dieu en meurt », écrivait Ibsen ; mais peut-il vivre, celui sur lequel est tombé le regard de Dieu ?
Cette incompatibilité, les perspicaces amoureux de la vie l’éprouvent également, et ils adressent au drame de durs reproches. Leur tranchante opposition, bien plus que les paroles des pusillanimes défenseurs du drame, touche de façon plus fine, plus pertinente, à son essence. Leurs reproches consistent en ceci : selon eux, le drame constitue une falsification, une vue grossière de la réalité.