Le silence de Gaza
Un texte de Giorgio Agamben
Il n’y a pas de microphones à Gaza.
Un texte de Gerardo Muñoz
L’année même où Carl Schmitt, dans son ouvrage Théologie politique (1922), apparaissait sur la scène intellectuelle de la République de Weimar pour défendre l’exception de la décision contre l’immanentisme, un court opuscule intitulé Die staatenlose Bildung eines jüdischen Volkes (La formation apatride du peuple juif, 1922), écrit par le philosophe juif Erich Unger, était publié comme une réponse intempestive à la question de l’« identité juive » (Judentum) et de son destin dans le sillage de l’effondrement de la civilisation. Le fait que cet essai – ainsi que son livre Politik und Metaphisik ed 1921, que Walter Benjamin a décrit comme la réflexion politique la plus importante de son époque – soit resté en marge de l’histoire intellectuelle, de la théorie politique et de l’histoire de la pensée est une chose à laquelle tout le monde doit sérieusement réfléchir.
Un texte de Ammon Raz-Krakotzkin
Yeshurun fut l’un des poètes hébraïques marquants du XXe siècle et il eut un rôle important dans la constitution de la culture hébraïque israélienne, même si on le classe habituellement dans l’opposition – culturelle et poétique. Il a écrit ce texte en 1970, quarante-cinq ans après avoir émigré de Pologne. Il y fait le point sur lui-même tout en marquant son adhésion à la culture hébraïque israélienne dans laquelle l’individuel et le collectif se confondent.
Le 7 octobre dernier à l’aube, un événement vu le jour. Un choc a retenti, personne ne s’y attendait. Une multitude de brèches ont fissuré la frontière entre l’État d’Israël et la bande de Gaza. Les murs se sont vus percés sous les hurlements de joie. Cet événement sans précédent ne peut se réduire aux attaques du Hamas ni se réduire à l’injonction de choisir le parti d’une entité étatique ou d’une autre. Ceci révèle bien autre chose : il est toujours possible de mettre à mal l’Empire. L’armada technologique qu’est l’État d’Israël a failli face à des groupes militarisés et face à des groupes populaires, provoquant la répression atroce en cours.
Un texte de Gabriel Bravo Soto
Dans le domaine politique, la gauche comme la droite veulent démontrer, avoir le dernier mot, donner l’interprétation la plus forte et l’explication qui réussit le mieux à enterrer le discours adverse, espérons-le pour toujours, en montrant leur supériorité morale respective et supposée, tout en homogénéisant le discours national dans une totalité fermée. Allende ici, Pinochet là ; démocratie, dictature, condamner ou ne pas condamner, les lois, la constitution, qu’ils ont commencé, qu’ils ont continué. De la boue pure.
Un texte de Idris Seyzür
C’est l’été. Un lac, des rencontres. Des vieillesses, des enfances.
Ourdir, récidiver. Les en-jeux.
Des corps : mouvoir l’âme, secouer la langue.
Le mot d’« Histoire » est revenu.
Pour une autre Histoire, d’autres histoires.
Un texte de Mårten Björk
Le soldat juif allemand et philosophe de la religion Franz Rosenzweig soutenait que la mort est une crise et une apocalypse ; un jugement et un dévoilement. A travers la mort, la vérité sur nous-mêmes et sur le monde que nous habitons se révèle ; mais en quel sens la mort peut-elle être comprise comme une apocalypse et comme une crise ?
Un texte de Nicolò Molinari
Ce texte, rédigé entre avril et mai 2023, tente d’aligner quelques raisonnements stratégiques à partir d’expériences de lutte récentes. Il ne s’agit pas d’un bilan, ni d’un ensemble d’indications normatives, mais d’une tentative de penser les stratégies des mouvements et les limites qu’ils rencontrent. Quelques mois plus tard, il est peut-être possible de réfléchir à certaines des limites de ce texte et d’essayer de tracer des pistes de recherche pour l’avenir.
Un texte de Guillaume Delaite
Où l’on découvrira comment la rhétorique anticomplotiste appartient à une véritable tradition de propagandistes : la sound science. Et comment cette propagande a pu irriguer tant de sphères intellectuelles en apparence si opposées. Petit exercice explicatif en réponse à un article de L’empaillé. Cette réponse a été refusée par sa rédaction.
Un texte d’Ezra Riquelme
La tâche centrale de la métaphysique qui vient est d’intensifier la désertion en cours, en la rapportant à un ensemble de liens entre métaphysique et forme de vie. L’époque réclame de notre part un peu de rigueur à tenir liés ensemble ces deux dimensions afin de bâtir les conditions nécessaires pour défaire l’économie, et d’éprouver largement le dépassement de l’inconstance que sont les sociétés, les collectifs, et les nations. La métaphysique qui vient s’annonce imprévisible et hardie, elle prend au sérieux la recherche de vérité. Il s’agit donc de partir d’une expérience du vrai, car le caractère de cette expérience correspond à la mise en relation entre une pensée et une vie. Mais comment parvenir à cette métaphysique qui vient et à esquisser un autre chemin que celui de la catastrophe ?
Un texte de Ezra Riquelme
Presque vingt ans d’écart séparent la publication de l’Appel de celle du Manifeste conspirationniste. Tous deux sont sortis en périodes de sclérose et d’impuissance, et leur ambition n’était pas moins que de rompre avec cette atonie généralisée et de partager une intelligibilité conspirative de l’époque. Il ne s’agit pas de convaincre, comme l’espère une certaine tradition critique, mais plutôt de toucher les évidences communes pour les renforcer.
Édito
Il y a vingt ans s’échangeait clandestinement, de proche en proche, un texte majeur : Appel. Ce texte fut tout autant un grand bouleversement de la sensibilité qu’un schisme. La tentative nécessaire de donner forme à une puissance sensible et située, capable de se défaire de la civilisation. Celui-ci s’adressait à toutes les personnes partageant des évidences communes : déserter le social, faire sécession, refuser la temporalité de l’urgence de la catastrophe, fuir le désastre de l’activisme, s’organiser en conséquence. Depuis sa publication, ce texte continue de mettre en crise les milieux autonomes, anarchistes et militants, donnant lieu à une multitude de fantasmes. La volonté farouche d’exorciser ce spectre nommé « appeliste » qui les hante n’est que la tentative de sauvegarder leurs précieux crédits sociaux de radicaux et de continuer d’ériger leur inconsistance éthique