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Quatre positions du refus

Un texte de Gerardo Muñoz
J’irais jusqu’à dire que la stratégie du refus est quelque chose comme un dénominateur commun dans les positions critiques de la médiation politique. Bien que le refus puisse prendre plusieurs formes, j’ajouterais aussi que le refus est dirigé contre l’hégémonie au sens large (culturelle, politique, logistique, etc.). D’abord, le refus émerge de l’illusion que l’hégémonie contribue à toute véritable transformation substantielle ancrée dans le « réalisme politique ». Aujourd’hui, le réalisme est principalement employé comme un argument autonome visant à l’adhésion politique, même s’il ne fait que contribuer au statu quo et à la paralysie.

Foucault contre Marx.
Refus de la totalité et perspectives stratégiques

Par ses concepts, Foucault démasque les mécanismes de domination cachés derrière les théories de la souveraineté et du droit. C’est un travail de dévoilement qui met au jour les techniques de pouvoir. Il met à nu les artifices symboliques de la souveraineté pour ne plus faire apparaître que les rouages et engrenages d’une colossale machine à gouverner qui constitue l’invariant métamorphique de la domination. À partir de là, on assiste à une désactivation des dispositifs qui ne permet pas de les réagencer pour en faire de nouveaux qui ne soient révélés. C’est un processus permanent de lutte qui se fonde sur de nouveaux principes évitant les écueils d’une organisation partisane pleine de microdominations. Un aggiornamento salutaire.

Manifeste de Rivolta feminile — Rome, juillet 1970

Le Manifeste de Rivolta Feminile a marqué toute une génération de féministes durant les années 1970, lançant le féminisme de la différence qui prit corps dans les révoltes de femmes en Italie. Si le texte est critiquable sur de nombreux points, comme son binarisme et ses ontologies de l’homme et de la femme, plusieurs gestes de ce manifeste nous semblent néanmoins importants à partager par leurs caractères offensifs : le refus de l’universel masculin et marxiste, le refus de l’intégration normative : en somme, se défaire du social, pour partir de soi, c’est-à-dire partir d’expériences vécues pour élaborer une puissance de la révolte. Ce texte constitue à ne pas en douter une manière particulière de vivre le communisme.

Camatte l’hérétique

Prendre au sérieux Jacques Camatte, pour les lecteurs de Marx quelque peu assidus, c’est accepter de commettre une hérésie. Se laisser porter par cette pensée, c’est se mouvoir au-delà des habitudes et des facilités. Elle est une de ces voix qui parle à soi contre soi, mais toujours depuis soi-même. Elle pousse à trahir ce qui se tenait là, devant nous, inébranlable comme une loi. Traversant la prophétie de Bordiga d’une révolution mondiale en 1975, depuis la théorisation de la contre-révolution, de l’émergence de la révolution (1968) jusqu’à son intégration, la pensée de Camatte accepte de se transformer sans renier ses origines. Il ne s’agit donc pas donc de faire jouer Marx contre Marx pour tenter pour la énième fois de le sauver, mais de jouer Marx contre l’époque depuis Marx et d’être forcé de le dépasser.

Thèses sur Tronti

Les mouvements sociaux n’ont pas été vaincus par le capitalisme. Les mouvements sociaux ont été vaincus par le social lui-même. Voici l’énoncé du problème que l’époque nous soumet. L’hypothèse de la construction d’un mouvement est dès lors caduque.

Lukács, une dynamique de l’âme et des formes

Un texte de Pideme La Luna
Dans la pénombre, les rayons de soleil se font de plus en plus rares, les structures sociales liquident toute joie, toute possibilité de vivre sans elles, réduisant la vie à une expérience de laboratoire. Face à la vie biomédicale régnante, les différents axes du parti de la biopolitique poursuivent leur processus, le premier étant déjà bien organisé mondialement, le second essayant de s’organiser localement se pensant naïvement être l’antagoniste du premier. Pourtant, le second n’est rien d’autre qu’une arme diffuse de plus du premier. C’est ici que György Lukács peut nous aider dans cette quête de perception sensitive. Retrouver un sens dynamique à notre âme confinée.

Frantz Fanon et les Sept Piliers de la Terre

Franz Fanon, qui a vécu dans sa chair la révolution et la guerre algérienne, s’inscrit clairement dans la lignée d’écrits de stratagèmes révolutionnaires. Il théorisera à partir de son expérience vécue, il sera le transmetteur par écrit de que ce toute la révolution algérienne amènera de nouveau dans l’idée de révolution, de ses composantes, dans l’idée de la guerre, de la guérilla, dans un contexte purement décolonial. Les thèses de Fanon que nous allons voir s’inscrivent dans ce cadre-là. La seule différence et non pas des moindres est que Fanon retranscrit ici une réalité vécue par les combattants algériens, il n’en est en rien le commandant, le général ou le théoricien. Fanon en est le spectateur.

Blanchot, le changement d’astre

Maurice Blanchot n’est pas qu’un littéraire, qu’un homme qui écrit des romans éloignés du monde en s’enfermant dans son appartement. Il participera aux révoltes de son temps en y jetant son âme. Il n’aura jamais toutefois de parcours de militant professionnel rattaché à une organisation ou à une idéologie. Il restera toujours éloigné de ce monde dans une rigueur éthique, assez isolé à travers son désir continu de solitude, mais aussi paradoxalement bien entouré avec ces quelques amis avec qui il pensera et s’organisera.

Bouleversement de la sensibilité générale par l’amitié

À travers des pensées communes, l’amitié fait office de soin. En disant cela, Mascolo nous dit que le processus qui amène à de nouvelles dispositions de pensée, c’est l’amitié, que le bouleversement général de la sensibilité a pour fondation une détresse partagée avec l’ami. L’amitié est ainsi ce qui permet ou résulte de ce bouleversement général de la sensibilité. Au fond nous pouvons dire que le bouleversement général de la sensibilité a lieu par la pensée qui se méfie d’elle-même et qui donc provoque en soi de la détresse.

L’exigence communiste

Un texte de Louis René
On ne rencontre pas par hasard l’œuvre de Dionys Mascolo, et si on le fait, c’est souvent par la bienveillance d’un ami que nous posons notre regard sur ses écrits. Peu l’ont réellement lu de son vivant à part ses amis et quelques curieux personnages connus du monde de la pensée. Certains, comme Georges Bataille ou Gilles Deleuze, pour ne citer qu’eux, ont admiré l’œuvre de Mascolo. On doit certainement cet oubli, car en France, on lit les événements de Mai 68 sous le prisme mythologique de l’International situationniste ou bien par celui de la vision récente de la social-démocratie française. Face à cet oubli de mémoire, certains fossoyeurs du vieux monde sont allés déterrer ses écrits.

Marxisme hérétique

Édito
Avec la réédition de certains textes de Dionys Mascolo, une petite actualité s’est ouverte. Dans ce numéro, nous proposons une modeste contribution à cette actualité. Nous nous permettons d’élargir le spectre de cette actualité par la présence de quelques autres marxistes hérétiques. L’enjeu n’est pas de ressusciter le marxisme, mais de comprendre certain de ses gestes, de ses logiques, de les saisir comme des outils à agencer avec d’autres éléments dynamiques, pour porter un impact historique.

Le convoi de la liberté

Un retournement s’est exprimé ces derniers jours. La voiture, symbole de la modernité capitaliste, où le corps fusionne avec la machine, corps isolés et intégrés aux flux trouve enfin un usage révolutionnaire ! Elle retourne sa fonction dans l’appareillage capitaliste pour mieux le paralyser.

Écologie et pouvoir

La parution du Mémo sur la nouvelle classe écologique de Bruno Latour et Nikolaj Schultz mérite notre attention. A l’heure où une immensité des personnes entrent en rupture avec l’économie, celle-ci étant incompatible avec la vie, certains gurus de l’écologie politique, comme Andreas Malm ou Baptiste Morizot, en bons stratèges, posent les rails théoriques qui devraient mener l’écologie au pouvoir. C’est l’État qui pourra éviter la catastrophe, nous disent-ils. C’est pour rendre lisible ce mouvement que nous avons choisi de présenter chacune des dix sections du livre.

L’état d’exception à l’époque de sa reproductibilité technique

Un texte de Flavio Luzi
L’introduction du concept de risque dans la déclaration de l’état d’exception implique l’introduction de ce dernier dans la sphère de la probabilité et de l’indéterminé. Ce n’est toutefois rien de plus que son passage du cadre de la souveraineté et de l’exception à celui du gouvernement et de la régularité. Cela sanctionne non seulement l’échappement de l’état d’exception en dehors du jus publicum europaeum, mais aussi sa consécration définitive comme technique de gouvernement.

La métaphore de l’ennemi invisible

Un texte de Flavio Luzi
Avec tout le raffut médiatique de ces derniers mois, difficile d’avoir raté la tendance répandue dans la classe dirigeante, et l’opinion publique, à recourir au lexique militaire quand il s’agit de se référer à la situation déclenchée par la diffusion du COVID-19 : l’épidémie — ou plutôt la pandémie — ne serait rien de moins qu’une « guerre » impliquant toute la planète. Le point de départ de la pensée biomédicale moderne résiderait justement dans cette désignation métaphorique, non plus de la maladie en tant que telle, prise de façon générique, mais d’organismes pathogènes particuliers, visibles à l’aide d’instruments comme le microscope. Mais quel genre de guerre peut être une guerre contre un virus ?

Comité invisible,« Beau comme une insurrection impure »

Un texte de passeurs franco-italiens
Le texte qui suit forme la préface à l’édition italienne des trois premiers livres du Comité invisible réunis en un volume, publiée en février 2019. Si cette préface a connu à ce jour des traductions en plusieurs langues, il n’en existait curieusement aucune version française. La voici enfin. Son actualité n’échappera à personne.

Politique conspirative

Un texte de Mischka
Ce que nous vivons depuis deux ans déjà avec le covid montre notre capacité d’adhésion envers le mensonge. Si le virus existe bel et bien, la gouvernementalité mondiale et ses amis industriels, eux aussi existent bel et bien. Leurs intérêts n’ont jamais été notre santé. Chaque gouvernement a le devoir de tenir sa population en laisse, quant à l’industrie pharmaceutique, elle a le devoir de générer un maximum de profit à leurs actionnaires. Si cette période a vu fleurir le grand retour du conspirationnisme.

Spleen conpiratif

Nous vivons dans l’une des époques les plus oppressives qui soit, nous le savons tous. Nous sommes sous le règne absolu du capitalisme et de tous ses ravages évidemment, sous le règne absolu de la démocratie et de son totalitarisme évidemment, sous le règne absolu des outils et des techniques de propagande évidemment, sous le règne absolu des dispositifs de contrôle de plus en plus nombreux évidemment. Jamais nous n’avons été autant en proie à l’aliénation qu’aujourd’hui.

Lien d’ombre conspirative

Édito
L’horreur est survenue ! La gauche et les nouveaux chiens de garde de la « raison » transpirent face à la sortie d’un livre. Tous sont allés de bon cœur pour attaquer et discréditer ce livre qui les effraie tant. Pourquoi ont-ils autant peur de ce livre ? Car ils ont peur de voir page après page leur pensée objective se fissurer de toute part.

Discours à la conférence des étudiants vénitiens contre le pass vert, le 11 novembre 2021 à Ca’ Sagredo

Un texte de Giorgio Agamben
Je voudrais reprendre, pour commencer, certains points que j’avais essayé de mettre au clair il y a quelques jours pour chercher à définir la transformation sous-jacente, mais pas pour autant moins radicale, qui est en train d’arriver sous nos yeux. Je crois que nous devons tout d’abord nous rendre compte que l’ordre juridique et politique dans lequel nous croyions alors vivre a complètement changé. L’opérateur de cette transformation a été, de toute évidence, cette zone d’indifférence entre le droit et la politique qu’est l’état d’urgence.

Une communauté dans la société

Un texte de Giorgio Agamben
L’Italie, comme laboratoire politique de l’Occident dans lequel s’élaborent à l’avance dans leurs formes extrêmes les stratégies des pouvoirs dominants, est aujourd’hui un pays humainement et politiquement en ruine, dans lequel une tyrannie sans scrupules et prête à tout s’est alliée à une masse en proie à une terreur pseudoreligieuse, prête à sacrifier non seulement ce qui s’appelait en un temps les libertés constitutionnelles, mais même toute chaleur dans les relations humaines.

Deux noms

Un texte de Giorgio Agamben
Deux noms à retenir : Alessandro La Fortezza, Andrea Camperio Ciani. Ces deux enseignants sont prêts à démissionner de leurs charges enseignement, car ils rejettent le green pass comme instrument de discrimination sociale. Voici quelques mots qu’ils ont écrits, le premier dans une lettre ouverte à ses élèves, le second dans sa lettre de démission au recteur de l’université où il enseigne.

Hommes et lemmings 

Un texte de Giorgio Agamben
Les lemmings sont de petits rongeurs, d’environ 15 centimètres de long, qui vivent dans les toundras de l’Europe et de l’Asie septentrionale. Cette espèce a la particularité d’entreprendre subitement sans aucune motivation apparente des migrations collectives qui se terminent dans un suicide collectif dans les eaux de la mer. L’énigme que ce comportement a posée aux zoologistes est si singulière qu’après plusieurs tentatives de fournir des explications qui se sont avérées si insuffisantes, qu’ils ont préféré les oublier. Mais l’un des esprits les plus lucides du vingtième siècle, Primo Levi a remis en question le phénomène et en a fourni une interprétation convaincante.

Lettre d’un anti-vaxx

Un texte d’un anti-vaxx
Comme on le sait si bien le fondement de l’État est de désigner des coupables. Nous autres non-vaccinés, nous sommes donc les coupables de cette funeste farce. Nous sommes les coupables de cette pandémie et de ses variants. Nous sommes coupables des causes de cette pandémie, coupable de l’élevage intensif, coupable de l’agriculture industrielle et de ses pesticides, coupables de la déforestation, coupables du réchauffement climatique, coupables de l’exploitation des énergies fossiles, coupables de tous les maux de ce vieux monde. Coupables d’emmerder le gouvernement

Biocratie et biopolitique

Face une situation exceptionnelle devenue la norme, l’événement covid a permis une nouvelle étendue de la gouvernementalité. Les critiques en tout genre ont tenté d’analyser la situation en cours avec de vieilles recettes déjà périmées avec l’idée d’une biopolitique positive, de laisser l’État agir pour notre bien, de croire en l’humanisme des laboratoires pharmaceutiques pour gérer la situation. Certains préfèrent parier sur l’humanitaire là où l’État manque alors qu’il n’y avait que l’autodéfense sanitaire pour palier se manque.

Pourquoi lire Agamben ?

Édito
Alors que toute interrogation critique est ramenée sur l’enfant terrible du complotisme, qu’il devient impossible de trouver le moindre espace à la critique d’une gouvernementalité toujours plus aboutie, c’est précisément ce que nous proposons de questionner avec ce premier numéro.

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